Superbe soirée à l’Auditorium avec un programme à dominante finlandaise diffusé en direct sur France Musique pour le Concert du (vendredi) soir et disponible à la réécoute sur le site de la radio.
Fruit de la rencontre féconde entre le chef finlandais Sakari Oramo, issu de la fameuse classe de direction de Jorma Panula à l’Académie Sibelius d’Helsinki et de l’Orchestre Philharmonique de Radio France, le concert a permis de découvrir en création française les « Saarikoski songs » de leur compatriote, Kaija Saariaho, dans sa très belle version symphonique donnée ici par sa dédicataire, amie et créatrice, la soprano Anu Komsi.
En guise de mise en oreille, le public a eu droit à un somptueux poème symphonique « En saga » de Jean Sibelius (finlandais évidemment), au climat envoûtant souvent coloré aux graves de l’orchestre. Notons une écriture virtuose entre post-wagnérisme et avant-garde prophétisant, pourquoi pas, parfois la musique répétitive. Une partition à laquelle le chef imprime la pulsation attendue (notons aussi les beaux solos de la clarinette de Nicolas Baldeyrou).
Anu Komsi entre ensuite en scène pour le deuxième cycle de mélodies composé par K. Saariaho (après les « Leino songs ») entre 2013 et 2020 pour le piano, en 2021 pour la version orchestrale sur des poèmes – ceux de son compatriote, Pentti Saarikokski. Un moment suspendu entre fascination et émotion avec ces « Saarikovski-laulut » : cinq poèmes écrits dans les années 70, à la fois mélancoliques et politiques (au discours alarmant écologiste).
La remarquable chanteuse finlandaise (épouse à la ville du chef), met son impressionnant registre dramatique colorature au service d’une écriture compositionnelle subtile, entre hommage aux maîtres anciens (Strauss, Debussy…) et modernes avec ses textures spectrales. Ce qui permet à la soprano finlandaise de montrer l’étendue de sa tessiture, la variété de ses styles de chant (scats faciles pour une chanteuse habituée aux incursions dans le jazz et sauts d’octaves raffinés, fondus voluptueux des timbres dialoguant avec les pupitres de bois ou de cordes, notes égrenées façon rossignol où s’entend la leçon de Mady Mesplé, qui fut son professeur), et son intense expressivité lui permettant de suggérer des atmosphères contrastées : du drame au rêve, du combat spirituel à l’extinction funèbre. Ces mélodies écrites pour sa voix sont réellement très belles.
Le charisme, l’engagement et l’impeccable technique de la chanteuse font donc mouche dans ce superbe cycle doux et poignant. Anu Komsi est par ailleurs bien servie par un orchestre aux riches couleurs, aux harmonies transparentes comme attendu, servant une partition qui évoque donc parfois les lieder de Richard Strauss mais aussi l’école de mélodie française. La soirée se termine sur une huitième symphonie du tchèque A. Dvořák enlevée (grâce à une parfaite agogique du récit) et brillante. L’entente parfaite entre le chef Sakari Oramo et le Philharmonique pour cette première collaboration fait rutiler une invention d’écriture constante, entre joie, solennité et éclats de fanfares. Certaines boucles quasi répétitives de thèmes et de structures font même écho aux audaces du poème initial de Sibelius.
On aimerait décidément voir et entendre plus souvent en France ce chef et cette chanteuse vraiment excellents.