Le public s’est déplacé en nombre, Salle Gaveau, ce mardi 5 décembre, pour assister au concert consacré à des œuvres de Mozart interprétées par Karine Deshayes et l’ensemble Les Paladins dirigé par Jérôme Correas. Tous deux ont choisi des partitions du jeune Mozart comprises entre 1771 et 1785. Côté orchestre, Jérôme Correas, familier du répertoire de musique ancienne et baroque, a sélectionné judicieusement la Symphonie N°17 d’un Mozart de 16 ans, grand admirateur de Johann Christian Bach. Si l’ensemble se cherche encore dans cette œuvre, il donne toute sa mesure, au cours de la soirée, dans les brèves Sonates d’églises qui datent de la même époque. Considérées comme mineures et de circonstance, Jérome Correas leur donne une densité et une intensité surprenantes. De son côté Karine Deshayes a choisi des œuvres plus italianisantes, fruits des voyages de Mozart en Italie entre 1770 et 1773 et, notamment, de sa découverte de l’opéra napolitain. Ce Mozart sied comme un gant à la grande rossinienne qu’elle est. Dans son air d’entrée, « Lungi le cure ingrate », extrait du Davide Penitente de 1785,les coloratures sont ciselées au plus près, avec une agilité déconcertante et son timbre est riche de suavités et de douceurs. L’étendue et l’égalité de sa tessiture lui permet de passer aisément d’aigus rayonnants à un registre grave et sonore sollicité plus d’une fois. Dans l’air « Quel nocchier che in gran procella » de La Betulia Liberata qui lui succède, c’est la grande chanteuse d’opéra qu’on retrouve dans les accents plus dramatiques de cet oratorio écrit en Italie en 1771.
Le concert se termine par l’Exsultate Jubilate de 1779 qui fut, un temps, le grand morceau de concours des sopranos dans les conservatoires français. On entend moins souvent, aujourd’hui, ce motet composé en 1773 pour un castrat à qui Mozart avait réservé un redoutable « Alleluia » final aux coloratures acrobatiques. Karine Deshayes, se lance avec une maîtrise confondante dans ces vocalises et déchaîne l’ovation finale. En bis elle interprète, avec une belle intériorité, le méditatif « Laudate Dominum » des Vêpres d’un confesseur (1780).
Dans ce concert mozartien nous avons aussi retrouvé la superbe belcantiste qu’est Karine Deshayes. A ce sujet, on pourra l’entendre à nouveau dans La Norma de Bellini à Strasbourg en juin 2024. Comment oublier son admirable Adalgisa ovationnée au Teatro Real de Madrid en 2017 (puis à Toulouse) et son interprétation, cinq ans plus tard, du rôle-titre à Aix ? Nous attendons tous, à présent, de la voir bientôt à l’affiche de notre Opéra National à Paris.