Pour celles et ceux qui l’ignorent encore, le Théâtre des Champs-Elysées propose depuis plusieurs années un programme d’opéra participatif pour jeune public, où des enfants de classes primaires sont initiés à l’opéra grâce à un apprentissage sur mesure qui mélange pratique du chant et de la gestuelle. Cette année, c’est au tour de La Flûte enchantée de Mozart d’être programmée pendant dix-sept représentations sous la forme d’Une petite Flûte mise en scène par Julie Depardieu.
Pour les habitués du Théâtre des Champs-Elysées, voir des enfants investir la salle et chanter de l’opéra à gorge déployée pendant une heure et demie relève presque du miracle. Il faut le voir pour le croire, mais surtout vivre cette expérience hors du commun pour comprendre que l’avenir de l’art lyrique se joue peut-être bien ici et maintenant.
Le concept est simple : chaque début d’année, de nombreuses classes primaires d’Ile-de-France sont invitées à suivre un programme conçu sur mesure par le théâtre où les élèves découvrent un opéra dans une version réduite, en français avec partie chantée et mimée. De quoi laisser le temps aux enfants de se familiariser avec une œuvre du grand répertoire jusqu’à faire partie intégrante de la mise en scène. Onze représentations scolaires sont par la suite programmées, ainsi que six représentations tout public où n’importe quel parent peut télécharger le livret d’apprentissage sur le site internet du théâtre et chanter avec ses enfants avant leur venue au théâtre. Au cours de la représentation, les lumières de la salle s’allument de temps à autre comme par magie pour laisser le public chanter quelques airs en version française appris au préalable.
De Klapisch à Depardieu
Après La Flûte enchantée revisitée par Cedric Klapisch à l’automne dernier, le Théâtre des Champs-Élysées a confié à Julie Depardieu l’adaptation de cette Petite Flûte qui a déjà tout d’une grande. Avec ses décors minimalistes et ses subtils jeux de lumières, la metteuse en scène, accompagnée de Damien Robert à la collaboration artistique et de David Belugou pour la scénographies et les costumes, penche davantage du côté de l’orientalisme et du Douanier Rousseau. Ils nous proposent un spectacle ludique, drôle et malicieux qui ne manquera pas de faire réagir le jeune public tout au long de la représentation. Les enfants deviennent ainsi complices de Tamino et de Papageno en les suivants dans leurs aventures tout en leur prodiguant conseils, avertissements et commentaires en tout genre. Sous la direction précise et toute en finesse du chef Joël Soichez, l’orchestre Les Siècles participent eux aussi à l’opéra en intervenant à leur propre manière au fil de la représentation.
En situant son action dans l’Egypte ancienne, Julie Depardieu s’inspire des dieux mi-humain, mi-animal de la mythologie des Pharaons. Monostatos devient un dieu crocodile sorti tout droit du Nil, la reine de la nuit une déesse-chatte gardienne du foyer et Sarastro un ibis sacré porteur de la connaissance. Librement inspiré des Mystères d’Isis, première adaptation en français de La Flûte écrite en 1801, Henri Tresbel propose ici une lecture sincère et proche du livret original, bien différente de l’adaptation contemporaine de Cédric Klapisch.
Ce programme permet aussi chaque année de découvrir de nouveaux talents, comme c’est le cas cette année avec Fabien Hyon et Adrien Fournaison, dont le duo Tamino / Papageno fonctionne en symbiose parfaite face au Monostatos de Charlie Guillemin dont on découvre tout le ressort de comédien et dont les enfants ne manquent pas de conspuer le personnage. Tel n’est pas le cas avec la Papagena de Louise Pingeot qui campe aussi une première dame avec assurance. En alternance avec Manon Lamaison, la Pamina de Lauranne Oliva touche particulièrement grâce à une véritable présence scénique à la voix claire et sensible. Une artiste prometteuse à suivre de très près. Pour l’occasion, les deux autres dames sont remplacées par les comédiens Eric Afergan et Fitzgerald Berthon qui apportent de leur dose de comique avec une dose de dérision. Plus discret, le Sarastro d’Olivier Gourdy et la Reine de la nuit d’Anne-Sophie Petit ne manquent pas de séduire le jeune public qui ne moufte guère lors de leurs fameux airs. Dernier conseils pour le lecteur quel que soit son âge : ne pas hésiter à se rendre sur le site du Théâtre où des tutoriels vidéos sont proposés pour apprendre à chanter et bouger sur du Mozart. Que demander de mieux !