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16 février 1854 : Meyerbeer ne perd pas le nord

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16 février 2024
L’Etoile du Nord, opéra-comique de Meyerbeer, était créé voici 170 ans.

Infos sur l’œuvre

Détails

Début 1849, Meyerbeer est en pleine préparation de la création de son nouvel opéra Le Prophète à l’Opéra de Paris. Désireux de faire venir le compositeur dans sa propre maison, Emile Perrin, le patron de l’Opéra-Comique lui passe commande d’une nouvelle œuvre.

Meyerbeer, très heureux de la perspective de réaliser un nouvel opéra-comique, est d’autant plus enthousiaste qu’il a déjà tout ce qu’il lui faut en soute. En effet, quelques années auparavant, il avait écrit un opéra à la gloire du roi de Prusse qui venait de faire reconstruire l’opéra de Berlin, détruit par un incendie en 1843. Cette partition, Un campement en Silésie, avait rencontré un certain succès, mais sans lendemain et Meyerbeer voulait la réutiliser à la première occasion.

Cette occasion apparaît donc en la personne d’Emile Perrin à Paris. Seulement, à Paris en 1849, on n’a pas particulièrement envie d’entendre une œuvre glorifiant les Prussiens, même traduite en français. On fait donc appel à l’incontournable Scribe pour écrire un nouveau livret, qui pourrait s’inspirer de l’original.

Scribe commence par transposer l’intrigue en Russie, à l’époque de la guerre contre la Suède. Alors que le Campement en Silésie vantait les talents de flutiste de Frédéric II de Prusse, c’est le tsar-charpentier-voyageur que Scribe va louer dans son adaptation, comme avant lui les opéras de Lortzing, Donizetti ou Grétry. Pour aurtant, les choses ne sont pas trop stabilisées. Scribe pense appeler son livret L’Impératrice, puisque la seconde épouse de Pierre le Grand tient un rôle important dans l’intrigue. Puis il l’appelle La Cantinière… puis encore La Vivandière, avant d’opter pour le titre définitif : l’Etoile du Nord.

Pierre le Grand se promène donc incognito en Finlande et fréquente les charpentiers d’un village. Il y a rencontré Catherine, pour qui il commence à éprouver un sérieux béguin. Tout est calme jusqu’à l’arrivée des cosaques qui pillent le village mais qui sont repoussés par Catherine, qui se fait passer pour bohémienne, et les amadoue en leur prédisant monts et merveilles. Problème : son frère Georges, qui doit épouser Praskovia, fille de l’aubergiste, est enrôlée par les cosaques. Ni une, ni deux, Catherine se déguise en homme pour prendre sa place…

Dans le camp des cosaques, on murmure que Pierre a rétabli le knout et on se révolterait volontiers. Le tsar survient, déguisé en capitaine, avec son ami le pâtissier Danilovitch qu’il fait passer pour son aide de camp. Comme ils boivent un peu trop, les voici qui courtisent deux vivandières du camp, à la grande fureur de Catherine, qui gifle le chef de cosaques, Gritsenko, puisqu’il faut bien passer ses nerfs sur quelqu’un sans risquer d’être reconnue. Elle est donc condamnée à mort sans autre forme de procès. Mais elle réussit à s’enfuir et à laisse un message à Pierre pour lui décrire la tentative de putsch que les cosaques étaient en train de fomenter. Ivre, mais pas aveugle, Pierre se fait reconnaître des cosaques, qui se soumettent illico.

Revenu dans son palais, Pierre aimerait bien revoir Catherine, son « étoile du Nord », qu’il croit morte. Voici Gritsenko, le chef des cosaques, qui annonce au tsar que le condamné à mort qui s’est enfui n’a pas été tué. Le tsar qu’on retrouve ce soldat. Sauf qu’il est censé s’appeler Georges évidemment. Le vrai Georges est donc arrêté et amené devant tout ce petit monde. Il sait que sa sœur est en danger et confirme donc que c’est bien lui l’auteur de la gifle. Pendant ce temps, Danilovitch revient avec Catherine, qui est devenue folle car elle pense que Pierre est allé bien plus loin avec les vivandières de l’acte précédent… Pour la guérir, le pâtissier lui fait croire qu’elle se trouve dans son village de Finlande où se prépare une fête nuptiale. Il lui fait entendre le son d’une flûte qu’elle entendait chaque jour. Évidemment, elle retrouve ses esprits, son tsar et… un trône.

Pour la musique Meyerbeer entend recycler son Campement en Silésie. Il reprend en fait quelques morceaux et termine le tout durant l’été 1853. Mais tout menace de capoter car les tensions avec la Russie s’accumulent à Paris. Finalement, l’opéra est créé voici 170 ans ce 16 février, en présence de Napoléon III et de toute la famille impériale. Succès garanti !

Ce soir là, Giuseppe Verdi est dans la salle lui aussi. Il écrit à son ami Clara Maffei quelques jours plus tard : « J’ai assisté à la première de cette Etoile du Nord et je n’y ai pas compris grand-chose, sinon rien. En revanche, le public raffiné comprenait TOUT et trouvait tout magnifique, sublime, divin !!! C’est le même public qui après 25 ou 30 ans n’a toujours pas compris Guillaume Tell et pour lequel on est obligés de donner cet opéra dans une version trafiquée, mutilée en trois actes au lieu de cinq et avec une misérable mise en scène ! Et il s’agit là de la plus prestigieuse scène du monde ! »

On sait que la postérité rendra justice à l’opéra de Rossini et se montrera assez impitoyable pour l’aimable opéra comique de Meyerbeer, qui contient quelques bijoux néanmoins, comme le fameux grand air de la folie (encore un) de Catherine, ici par Diana Damrau, meyerberienne distinguée.

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