Mis en quelque sorte à l’essai par Giulio Ricordi sur les conseils d’Arrigo Boito qui avait découvert ce jeune talent en 1908, Riccardo Zandonai avait rencontré de premiers succès qui avaient conforté l’éditeur pour creuser le sillon. Tout semble alors sourire à ce jeune compositeur qui a 29 ans en 1912, lorsqu’il propose d’adapter la pièce que D’Annunzio avait créée en 1901 à Rome autour des amants maudits de l’Enfer de Dante, Francesca da Rimini et Paolo Malatesta.
D’Annunzio avait en quelque sorte complété l’œuvre de Dante en revenant aux sources historiques de cette légende tragique, puisque les personnages ont véritablement existé à la fin du XIIIe siècle et Francesca avait vraiment épousé Gianciotto Malatesta en 1275. Paolo, le frère de ce dernier, était lui-même marié à une certaine Béatrice di Ghiaggiulo. Il y eut bien adultère et il y eut bien assassinat des amants.
C’est Tito Ricordi, fils de Giulio et nouveau patron de la maison d’édition musicale à la mort de celui-ci cette même année 1912, qui se charge d’adapter la pièce de D’Annunzio. Ce dernier donne son accord et Zandonai achève rapidement la partition. On y entend les multiples influences du compositeur, de Verdi à Debussy en passant par Wagner et Richard Strauss, tout en épousant certains traits du vérisme en vogue quelques années auparavant.
La création, voici 110 ans au Teatro Regio de Turin, est un triomphe mémorable, qui ne se démentira pas lors des reprises en Italie comme en Europe. La petite histoire veut que ce succès ait exaspéré Gabriele D’Annunzio, dont la modestie n’était pas la première qualité, et qui en voudra toujours à Zandonai d’avoir réalisé à partir de son texte une œuvre plus célèbre et plus populaire que la sienne.
Mais le sort ne sera guère favorable au compositeur pour autant. Fort pourtant de cette belle réussite, qui en avait suivi deux autres, Zandonai pouvait légitimement penser que son nom brillerait bientôt au firmament lyrique. Mais la guerre, puis de mauvais choix, de librettiste en particulier, ne lui permettront pas d’atteindre le même niveau. Il ne réitèrera plus ce succès et deviendra à son tour, comme Catalani, Leoncavallo, Ponchielli et tant d’autres l’homme d’une seule oeuvre, malgré un catalogue fourni.
Il deviendra directeur du Conservatoire de Pesaro et sera à l’origine d’une sorte de première « Rossini renaissance » à la fin des années 30.
De santé fragile, tourmenté par la période fasciste, désespéré par la Seconde guerre mondiale, il mourra reclus, à 61 ans, à la veille du débarquement des Alliés en Normandie.
En 2011, l’Opéra de Paris faisait entrer cet opéra à son répertoire, avec le Paolo de Roberto Alagna et la Francesca de Svetla Vassileva, dans une mise en scène de Giancarlo del Monaco, qui nous plongeait dans le monde assez chargé de D’Annunzio (celles et ceux qui ont pu visiter, sa villa, Il Vittoriale degli Italiani, sur les bords du lac de Garde, comprendront…