Les dix opéras qu’il nous laisse – douze si l’on détricote le Trittico – occupent une place centrale et écrasante dans l’œuvre et la vie du compositeur. Ils ont mobilisé l’essentiel de son énergie créatrice, motivé sa constante quête du livret idéal, avec les bienveillants conseils de Giulio Ricordi. Les personnages attachants qui peuplent ses opéras lui ont inspiré des mélodies qui figurent parmi les plus formidables « tubes » que compte le répertoire lyrique, sublimés par la fascination de Puccini pour le chant et pour le texte mais aussi son formidable art de l’orchestration et de la coloration harmonique. Pour les amateurs d’opéra comme pour les artistes lyriques, Puccini demeure incontournable et il y a fort à parier qu’il occupera cette place longtemps encore.
Le Maestro toscan arrive en 3e position parmi les compositeurs d’opéra les plus joués, derrière Mozart et Verdi, loin devant Rossini, Wagner ou Donizetti. C’est ce que révèle operabase.com, ce site qui compile depuis 1996 les informations touchant le monde de l’opéra dans plus de 3.000 théâtres et maisons d’opéra du monde entier. En analysant plus profondément cette monumentale base de données, voici les chiffres relevés pour l’année 2023, en ne comptabilisant que les opéras mis en scène : Puccini fut à l’affiche de 2.785 représentations sur notre planète ! Soit une moyenne de plus de 7 spectacles par jour. Tout le catalogue est exploité, à l’exception du seul Edgar, son deuxième opus. Sans grande surprise, La Bohème arrive en tête du palmarès puccinien (782 représentations), suivie de Butterfly (550) et Tosca (525). Chacune de ces œuvres a été à l’affiche dans plus d’une trentaine de pays. Turandot arrive en 4e position avec 422 spectacles. En 2023, Puccini a été joué de Caracas à Skopje, de Séoul à Brisbane, en passant par Thessalonique, Yokohama, Managua, Johannesburg ou Ankara. On a représenté Tosca à Moscou mais aussi à Kiev.
Au-delà de ces statistiques étourdissantes, il faut rappeler que Puccini a vécu en Italie à un moment où l’opéra connaissait le sommet de la popularité, avec un gros millier de théâtres en activités. Dans un tel environnement, en marchant sur les traces de Bellini, Donizetti et Verdi, le Toscan disposait de tous les éléments lui permettant d’analyser et de comprendre les clés du succès dans l’art lyrique. Nourri par le XIXe finissant, cela ne l’empêchera aucunement d’être à l’écoute de la modernité du XXe siècle lorsqu’il découvrira Debussy, Schoenberg, Bartók ou Richard Strauss.
Une telle popularité laisse rêveur, surtout à un moment où dans l’Hexagone l’opéra n’affiche pas des signes de santé florissante. Alors revenons un instant aux statistiques de production, et regardons de plus près le pays où Puccini connaît le plus grand succès : il ne faut pas chercher loin, c’est l’Allemagne. On constate que La Bohème y a été donnée 254 fois, toujours pendant l’exercice 2023, dans 36 villes différentes. Durant la même période, la France n’a programmé que 25 fois la même œuvre, dans 5 théâtres différents. Pour Tosca, cette tendance se confirme, avec 89 représentations outre-Rhin, pour seulement 8 en France. L’année dernière aucune scène française n’a programmé Butterfly, qui fut donnée 155 fois en Allemagne.
Comment expliquer une telle disparité ? Faut-il y voir la démonstration de la supériorité des maisons d’opéras qui possèdent leur troupe ? Est-ce la preuve d’une politique culturelle réussie au niveau fédéral chez nos voisins, moins heureuse dans les régions de l’Hexagone ? La popularité de Puccini le rendrait-il suspect aux yeux de certains programmateurs en France ? La réponse sera nécessairement complexe, mais ces questions doivent être posées.
Pour rendre hommage au grand Puccini, la Rédaction de ForumOpera vous mitonne tout au long de l’année un dossier qui abordera de nombreuses facettes de sa vie et de son œuvre.