Pretty Yende est apparue sur la scène du Théâtre des Champs-Elysées, vêtue d’une robe somptueuse qui a subjugué l’assistance, une véritable robe de princesse, argentée et scintillante, qui n’était pas sans rappeler la « robe couleur de nuit » que portait Catherine Deneuve dans le film Peau d’âne de Jacques Demy. En revanche, le programme qu’elle avait concocté, s’est avéré moins spectaculaire que sa tenue, la soprano ayant proposé des morceaux qu’elle avait déjà interprétés à maintes reprises en récital, au théâtre comme au disque, ou à l’opéra.
L’Exultate jubilate de Mozart avec lequel elle ouvre le concert est dépourvu de ferveur, l’andante central « Tu virginum corona » n’est pas très inspiré. D’autre part, il sollicite essentiellement le medium de la chanteuse qui manque de consistance. Il faudra attendre l’Alleluia et ses coloratures ébouriffantes pour vibrer enfin.
La première partie s’achève avec la Rosine du Barbier de Séville, le rôle qui a marqué les débuts de Pretty Yende à l’Opéra Bastille en 2016. La cantatrice ornemente à outrance « Una voce poco fa » comme le faisaient autrefois les sopranos légers qui s’étaient approprié ce personnage. Elle vocalise avec aisance et précision, sans hésiter à émailler sa ligne de chant de suraigus brillants ni à surajouter des variations inédites qui provoquent l’exultation de la salle mais nous éloignent par trop de Rossini.
Dans la seconde partie, la soprano sud-africaine se montre infiniment plus convaincante. Les deux pages de Gounod qu’elle a choisies conviennent idéalement à son tempérament et sa technique accomplie fait le reste. Dans la valse de Juliette, elle campe avec justesse une jeune fille heureuse et enthousiaste tout à sa joie d’assister à son premier bal et dans l’air des bijoux elle traduit avec subtilité le trouble de Marguerite qui s’éveille à l’amour et s’émerveille comme une enfant devant le présent qui lui est fait.
Le programme s’achève avec le premier air de Lucia, un rôle qu’elle a également incarné à l’Opéra Bastille, dont elle donne une interprétation sobre et en tout point convaincante.
Si la partie chantée de la soirée ne réservait pas de grandes surprises, l’amateur de raretés aura été comblé par les pages orchestrales intercalées entre les airs. Par bonheur on échappe aux sempiternelles ouvertures du Barbier de Séville ou de La Force du destin voire de La Cenerentola initialement prévue. Giacomo Sagripanti qui remplaçait Lorenzo Passerini, nous a régalés notamment avec l’ouverture martiale du Cheval de Bronze d’Auber dont il a fait sonner les cuivres avec éclat, celle de Mignon très applaudie, qu’il a dirigée avec une fougue communicative ou encore celle de la rare Princesse jaune de Saint-Saëns dont il a habilement souligné les contrastes. Dans les airs d’opéras, il s’est montré attentif à son interprète qu’il avait déjà dirigée au San Carlo dans un concert Mozart / bel canto.
Quatre bis concluent la soirée, l’inusable « O mio babbino caro », un extrait de West Side Story en forme de clin d’œil, « I feel pretty », puis la soprano rend hommage à Joséphine Baker dont l’entrée au Panthéon est prévue pour le lendemain en chantant « J’ai deux amours ». Enfin, la voix gorgée d’émotion, elle délivre un message d’espoir en interprétant a cappella, un air traditionnel suivi de « Somewhere over the rainbow » devant un public recueilli comme dans une église.