Le premier Festival Georges Bizet, les 22, 23 et 24 mars, à la villa de Pauline Viardot à Bougival, a rendu un bel hommage à Benita Carteron qui nous a quittés en janvier dernier à l’âge de 99 ans. Fondatrice des Amis de Georges Bizet, Benita a œuvré toute sa vie pour la sauvegarde du patrimoine culturel français notamment pour la musique dans le Lubéron où elle a créé le premier festival de quatuor à cordes et bien sûr, plus récemment, à Bougival qui s’enorgueillit d’avoir, grâce à elle, sa « colline sacrée » où se côtoient la villa de la cantatrice Pauline Viardot, la datcha de Tourgueniev et la maison où Bizet a séjourné. Sylvie Brély, qui lui a succédé, se bat à présent pour en faire un lieu de résidence artistique propre à accueillir un festival annuel. Le programme du concert du 24 mars consacré aux « Deux rives du Rhin » a été judicieusement élaboré par les artistes, notamment par les pianistes Aline Bartissol et Anne le Bozec, cette dernière racontant admirablement avec une touche d’humour (et le juste rythme !) les chemins croisés empruntés par Schumann, Schubert, Mendelssohn, Liszt, Georges Bizet et Pauline Viardot. Le public est immédiatement captivé. Il est vrai qu’on oublie souvent que la célèbre cantatrice a séjourné longtemps à l’étranger avec son mari et notamment à Baden Baden en compagnie de Tourgueniev, où leur villa était au centre de cette « Capitale d’été d’Europe » ! Le grand talent d’Anne le Bozec parvient à adoucir quelque peu le piano Érard de Pauline Viardot et à lui donner une rondeur insoupçonnée. Et quelle belle complicité dans le duo qu’elle forme avec Aline Bartissol !
Le programme est agencé avec pertinence et le parcours que nous proposent les artistes est passionnant. La juxtaposition des œuvres pour piano, des Lieder et des mélodies de Schuman, Liszt, Mendelssohn et Bizet fonctionne d’emblée (les Jeux d’enfants de ce dernier sont une vraie vermeille) permettant des contrastes bienvenus quand la Méditation de Bizet s’affronte au galop du Reiterstück de Schumann ou encore quand celui des alguazils de l’Autre guitare de Victor Hugo mis en musique par Franz Liszt succède à la musique de Pauline Viardot dont l’Espagne était un peu le second pays.
La soprano Marianne Croux, très sympathique, possède un beau timbre et une technique solide mais son approche des Lieder et des mélodies est encore trop sommaire, le texte semblant relégué au second plan au profit d’une simple expression vocale. Il faut sagement revenir aux enseignements de Pauline Viardot et de son père Manuel García, ou à leur grande héritière Ninon Vallin, toujours d’actualité. Cette réserve n’a aucunement entamé le plaisir et la douce complicité tels qu’on pouvait les ressentir dans un concert de salon à l’époque de Pauline ! Le festival s’achevait sur un récital d’œuvres de Bizet et Gounod interprétées par l’excellent pianiste Nathanaël Gouin.