Ah, on n’oubliera pas, à la fin de Madame Butterly, éclairée par un soleil rouge, la vision d’Aleksandra Kurzak s’enfonçant un sabre dans la poitrine tandis que de la fosse montaient les derniers sanglots de la musique de Puccini !
On avait beau avoir vu cent fois Madame Butterfly, on était pris à nouveau par l’épilogue du drame – et par la musique de Puccini qui vous envahit et abolit le temps. Elle était là, cette femme désespérée à laquelle son mari infidèle veut enlever son enfant ! On y croyait. « Préparez moi quelque chose qui fasse pleurer le monde, avait dit un jour Puccini à son librettiste ! » C’était réussi.
Dans le magnifique spectacle donné à l’opéra de Monte-Carlo, Alexandra Kurzak explose dans le rôle de Cio-Cio San. Elle est une soprano admirable et une émouvante tragédienne. Elle fait passer son personnage de la légèreté du premier acte à la naïveté du second, au désespoir du troisième. Elle va, vient, dévorée d’amour, bute ses ailes de papillon aux murs et au drame qui l’entourent. Son air « Un bel di vedremo » suscita une explosion d’applaudissements.
Aleksandra Kurzak et Marcelo Puente © Alain Hanel
La mise en scène est celle, poétique et traditionnelle, de Mireille Larroche, déjà vue à Avignon, qui date de 2005. Des pavillons japonais se dressent au dessus de la ville. On voit passer au loin, en ombres chinoises, un défilé de geishas sous leurs ombrelles tournoyantes. Tout est soigné, pensé jusqu’au moindre détail.
Aux côtés d’Aleksandra Kurzak, Monaco nous offre avec Marcelo Puente le Pinkerton du Covent Garden, de la Monnaie, du Staatsoper de Vienne. Il est ardent, charmeur, possède une voix tranchante, des aigus rayonnants, des élans vibrants.
Massimo Cavaletti, à la voix large et bien timbrée, est un Consul de grande classe.
Annalisa Stroppa est dotée d’une voix corsée, bien conduite. On est ému par son personnage de Suzuki.
Philippe Do est brillant dans son personnage de marieur professionnel, roué et lâche.
Fabio Bonavita met le bronze de sa voix au service du bonze.
Toutes les interventions secondaires sont de qualité, assurées sans défaut par des solistes du chœur.
Le chœur de Monte-Carlo, précisément, ne mérite qu’éloges.
Même si on eût aimé à certains moments des couleurs plus transparentes, le chef Giampaolo Bisanti a fait monter de la fosse une musique puissante, envoûtante, enveloppant avec rondeur le chant des solistes.
L’opéra de Monte-Carlo a ainsi sa place dans les événements de gala qui se déroulent en ce moment pour la Fête nationale monégasque.