Pour son premier spectacle présenté au Théâtre du Châtelet depuis qu’il en est le directeur, Olivier Py a choisi son opérette L’Amour Vainqueur, inspirée d’un conte des Frères Grimm, qu’il avait monté avec succès au Festival d’Avignon en 2019. Quelle bonne idée, car cette fable initiatique, « pour tout public à partir de 9 ans ! », n’a pas pris une ride. Au contraire le spectacle a acquis en densité et son impact est encore plus fort aujourd’hui étant donné l’époque sombre dans laquelle nous vivons. Pierre André Weitz a imaginé une brillante scénographie où le tréteau est illuminé comme une scène de music-hall tandis que sur l’écran en fond de scène un jardin idyllique alterne avec des ruines de guerre.
Une jeune fille, amoureuse d’un prince, est enfermée par son père dans une tour de son château pour lui avoir été rebelle. Elle s’enfuit, porte l’uniforme et retrouve, dans le pays en guerre, son prince, défiguré, témoin des horreurs des combats. Face au pays réduit en cendres, tous deux veulent lutter contre l’obscurantisme, bâtir un monde meilleur et, ce faisant, découvrent le pouvoir de l’amour et du théâtre, de la musique et du chant sans oublier la fantaisie et l’humour.
© Thomas Amouroux
Le spectacle est ainsi mené tambour battant (c’est le cas de le dire) par des comédiens exceptionnels, excellents chanteurs de surcroit. On en sort revigorés et prêt à en découdre avec les mauvais prophètes. De plus, ils jouent de l’accordéon, du violoncelle, de la flûte, sans oublier le piano, tenu de main de maître toute la soirée par l’impressionnant baryton Antoni Sykopoulos qui est aussi l’arrangeur des numéros musicaux et l’interprète impressionnant des rôles du roi et de l’horrible général (quelle voix et quel abattage !). Olivier Py leur a concocté à tous de flamboyant alexandrins quasi « opératiques » ! Flannan Obé, familier des opérettes d’Offenbach, prête son timbre chaleureux au sympathique jardinier du château, complice de l’évasion de la princesse. Pierre Lebon est un Prince drôle et émouvant. Véritable enfant de la balle, metteur en scène, acteur et excellent chanteur il est aussi un danseur hors pair. Quant à la princesse, elle est magnifiquement interprétée par la soprano Clémentine Bourgoin, au timbre lumineux et à la diction parfaite. Olivier Py lui a réservé les plus beaux airs lyriques de sa partition. Une partition qui mérite d’être saluée, car outre l’écriture des livrets et la mise en scène, Py est aussi un remarquable compositeur d’airs et de chansons, dont les thèmes et rythmes arrangés par Sykopoulos s’entrecroisent sans jamais se répéter. Et c’est une sorte d’exploit. Comme le précisait souvent le chef d’orchestre Manuel Rosenthal, élève et ami de Ravel : « composer une bonne opérette est tellement plus difficile que d’écrire un opéra, tant elle requiert de multiples talents ! ». On se prend donc à rêver qu’Olivier Py compose un jour, avec la complicité d’Antoni Sykopoulos bien sûr, une grande comédie musicale française pour son théâtre et notre plus grande joie !