Après un casting atypique sur Don Giovanni, laissez-moi vous présenter le prochain volet de cette saga d’articles ! Un autre opéra avec une sélection d’acteurs et d’actrices tout aussi prometteurs : Tristan et Yseult ! Cette fois-ci, je ne serai pas seul dans l’écriture de cet article, car le gigantisme wagnérien m’écraserait beaucoup trop. Dès lors, ma compagnonne de route pour le voyage de ce dangereux exercice de style, surtout quand il s’agit de Wagner sera : Doris Brasseur (chanteuse lyrique et musicologue). Nous nous sommes partagé les rôles comme il se doit. (les choix et textes de Doris seront en italique pour plus de clarté dans l’article).
Tristan : Viggo Mortensen
En Tristan, c’est un grand oui ! Au-delà de son physique charismatique digne d’un héros médiéval (Aragorn n’est certainement pas pour rien dans ce constat), il est parfait pour interpréter ce rôle. C’est un acteur qui pourrait facilement tenir sur la longueur, que ce soit d’un point de vue vocal ou scénique. La palette de sentiments qu’il peut dégager par un simple regard, servirait tout à fait les tourments du héros wagnérien. Sa couleur vocale pourrait s’apparenter à celle de Jonas Kaufmann : un ténor lumineux et profond, aux graves soutenus.
Yseult : Kate Winslet
Est-ce que le fait que le Titanic soit une allégorie tristanienne m’influence ? Peut-être,… en attendant, un bateau portant l’amour de deux protagonistes, qui se « heurte » à un iceberg (métaphore antinomique d’un amour de feu), vous appelez ça comme vous voulez, pour moi c’est Tristan et Yseult ! Par ailleurs, Kate Winslet possède tout des âmes fortes pour tenir une scène wagnérienne.
Kurwenal : Jean Reno
Loyauté et fidélité, voilà les grandes qualités de Kurwenal. Jean Reno saura sans problèmes se glisser dans le rôle, car bien plus que les qualités indiquées, il faut aussi savoir se salir les mains, se battre, ne pas avoir peur du sang pour l’honneur de son maître. Habitué des rôles de protecteurs armés, il fera un Kurwenal très original !
Brangäne : Helen McCrory
Quand je pense à elle dans ce rôle, c’est pour sa force, sa classe et sa capacité à se greffer à n’importe quel rôle. Elle peut être cette confidente rassurante pour Isolde, tout en étant LA personnalité qui change le cours de l’histoire, et finalement, ce personnage qui vit dans le tourment d’un choix passé. Vocalement, je ne peux qu’imaginer une couleur de soprano assez noire, chaleureuse, avec quelques petites imperfections par-ci par-là, qui donnerait toute son humanité à ce personnage clé de l’opéra.
Le Roi Marc : Mads Mikkelsen
Sa beauté froide et son regard doux (qui transparaît parfaitement sur cette photo) lui donnent un côté royal inné. On ajoute à cela son magnifique jeu d’acteur, et on obtient toutes les qualités pour jouer le Roi (tonton de surcroît !), trahi par son protégé. On ne peut que facilement se projeter dans ces scènes réunissant Mikkelsen et Mortensen : frissons garantis !
Melot : Adam Driver
Rappelons-le, avant d’être acteur, cet homme était dans la Marine Corps, ce qui, évidemment, pour le monde tristanesque est un must. Dans mon imaginaire, et des productions auxquelles j’ai déjà pu assister, Melot était toujours un grand gaillard gentiment provoquant, prêt à dégainer sa lance au moindre bruit suspect et Adam manie déjà les sabres lasers et les mondes marins.
Un jeune marin : Pierre Niney
Alors, faire chanter « a cappella » les premières lignes vocales de l’opéra, à un rôle secondaire, après un prélude grandiose, et dont les mots vont, en plus, rendre Yseult en colère, ce n’est vraiment pas un cadeau. Et Pierre Niney dans ce rôle, c’est une évidence. Parce qu’au-delà du fait qu’il pourrait tout à fait gérer ce passage musical difficile, je l’imagine très bien arriver sur scène en ciré jaune, trempé par les vagues houleuses entourant le bateau, chantant ce passage avec un petit air important et malin sur le visage.
Le Berger : Rupert Grint
Quelques phrases à Kurwenal dans le troisième acte, un solo de cor anglais mortuaire, un magnifique personnage de second plan scénique et musical qui rajoute tout le charme de la fin de cet opéra. Rupert Grint à l’âge qu’il a, aujourd’hui, est sur la bonne voie pour faire de ce rôle un petit joyau.
Le Pilote : John Malkovitch
Oui, il n’a que quatre mesures à chanter dans ces quatre heures de musique, mais retenez qu’il n’est jamais rare que dans un opéra, dans une pièce de théâtre ou bien même dans un film, un acteur emblématique se voit souvent engagé dans des rôles minuscules, ça rajoute du prestige. Et surtout que, bah,… faut toujours John Malkovitch là où on ne l’attend pas, donc c’est gagné.
Les Mots de la fin :
Lors du deuxième acte, je ne peux que voir le magnifique tableau de l’arrivée de Mads Mikkelsen et d’Adam Driver, trompettes hurlantes, sur leurs chevaux découvrant l’amour caché de Kate et Viggo, à cela s’enchainerait une descente pressée de McCrory et la scène serait remplie de drame, de culpabilité et de la tristesse du Roi Mads, qui n’a aucun pouvoir sur la situation, se sentant complétement défait sur cette trahison, qui n’en est pas réellement une, car incontrôlée par les deux protagonistes. Et comme indiqué ci-dessus, le début du troisième acte où Rupert Grint, Jean Reno et Viggo Mortenssen partagent l’espace chromatique et mortifère des cordes m’en donne déjà des frissons.
J’imagine tout à fait le couple Mortensen-Winslet dans le duo de l’acte 2, mis en scène sobrement, placés au centre de la scène. La tension amoureuse qui unit les deux amants est à son comble et soudain, simplement, la silhouette élégante d’Helen McCrory apparaît, chantant son magnifique premier avertissement « (…) Habet acht ! Habet acht ! » (Prenez garde ! Prenez garde !). Par sa simple présence scénique et la beauté de son chant (dans cette phrase juste magnifique de Wagner), elle emmènerait divinement tout le public avec elle, laissant les deux amants continuer leur idylle en chantant leur envie de “Ne jamais se réveiller” (Nie erwachen).