La boîte à pépites : le cri primal de Chrysothemis dans Elektra

On sait que l’opéra et en particulier les voix déclenchent jouissance ou crispation chez les uns et les autres, selon qu’ils soient amateurs ou ennemis (deux groupes irréconciliables) de l’art lyrique. Les Opernfreunde straussiens n’ont cependant jamais oublié le cri extraordinaire lancé par Marie Collier quand elle apprend la (fausse) nouvelle de la mort de leur frère, Oreste, à Elektra (Birgit Nilsson), cette dernière comptant sur lui pour venger la mort de leur père, Agamemnon. Dans l’enregistrement légendaire de 1966 chez Decca de l’opéra de Richard Strauss par Sir Georg Solti avec l’Orchestre philharmonique de Vienne, sans doute saisie par l’énergie sauvage du chef hongrois (de son vrai nom György Stern), la soprano australienne nous offre un des plus beaux (ou des plus étranges selon les goûts) cris de l’histoire de l’opéra. Un peu comme si sa Chrysothemis s’était soudain retrouvée dans un film d’horreur de Dario Argento. Il est vrai que la partition indique qu’elle surgit sur la scène « wie ein verwundenes Tier » (comme une bête blessée) et qu’elle doit bel et bien crier (« schreiend »). Toutes ses collègues n’arrivent cependant pas à en poitriner un semblable… pour le meilleur ou pour le pire ?