Forum Opéra a lancé en juin dernier un concours pour les jeunes critiques musicaux, de 5 à 35 ans, qu’ils soient profanes ou initiés, afin de susciter des vocations, repérer des talents pour in fine assurer le passage de flambeau.
Tu avais 14 ans lorsque tu as rejoint la rédaction de Forum Opéra. N’y-a-t-il pas d’âge pour être critique musical ?
Même si ça peut paraître étrange, l’adolescence est en fait une période assez propice pour débuter : beaucoup de grands fans d’opéra ont commencé à en écouter abondamment vers l’adolescence, qui est l’âge des passions dévorantes, auxquelles on est prêt à consacrer tout son temps et toute son énergie. De la même façon, écrire est souvent un rêve un peu romantique de jeune homme ou de jeune fille. Ecrire sur l’opéra, c’était pour moi une façon assez naturelle de conjuguer les deux passions qui ont nourri cette période de ma vie.
Quelle formation faut-il pour être critique musical ?
La règle, c’est qu’il n’y a pas de règle ! Parmi mes collègues, on trouve des musiciens quasiment professionnels ou des musicologues, aussi bien que des mélomanes éclairés, qui peuvent avoir un tout autre métier : professeurs, fonctionnaires, cadres ou employés, étudiants, retraités… On croise, dans la presse en ligne comme dans les magazines papiers, des profils extrêmement diversifiés. Une personnalité aussi éminente que Claude Samuel, qui est passé de la critique musicale au poste de Directeur de la Musique à Radio-France, a au départ une formation de dentiste ! En ce qui me concerne, j’ai étudié le piano, que je pratique toujours en amateur, et je suis diplômé de Sciences Po, assez loin de la musicologie et de journalisme donc.
Aujourd’hui, tu occupes un poste à responsabilité dans un institution importante. Malgré un agenda chargé, tu continues d’exercer ton activité de critique. Pourquoi ?
Les critiques qui exercent cette fonction de manière exclusive sont assez rares. On peut le regretter, mais je trouve au contraire intéressant de vivre la critique comme une activité dénuée des contraintes, des horaires, parfois de la routine, qu’on associe souvent à de « vrais métiers ». Et ça permet concrètement d’adapter le rythme de sa production d’articles en fonction de ses contraintes, professionnelles comme personnelles. J’ai un peu moins de temps à consacrer à la critique aujourd’hui que pendant mes années d’études, mais j’ai réussi à trouver un rythme assez harmonieux, et j’en suis très heureux car écrire sur la musique, découvrir des spectacles, des artistes et des œuvres, reste pour moi une grande source de bonheur.
Appliques-tu une méthode pour rédiger tes critiques ou te laisses-tu guider par tes émotions ?
Là aussi, la diversité est la règle. Quand je suis assis dans une salle à côté d’autres critiques, je vois que beaucoup prennent des notes sur de petits carnets. Pour ma part, je considère que ce qui est le plus marquant dans un spectacle me sera forcément resté à l’esprit au moment d’écrire mon papier, et j’ai donc choisi de faire confiance à ma « mémoire sélective ». Mais pour que ça fonctionne, il faut essayer d’écrire assez vite après le baisser de rideau.
A quoi reconnait-on selon toi une bonne critique ?
Une critique qui s’engage, qui donne aux lecteurs des clefs pour comprendre l’avis, assumé, de son auteur. Bien sûr, ça n’empêche pas le respect dû aux artistes, tout au contraire : nous écrivons sur des chanteurs, des chefs, des metteurs en scène, même si leur travail ne nous convainc pas, il n’y a aucune raison de les traiter comme des délinquants ou des criminels de guerre ! Enfin, sans verser dans l’exercice de style un peu narcissique, c’est important qu’une critique soit élégamment tournée, qu’elle procure aussi, à son niveau, un plaisir de lecture.
Quels conseils donnerais-tu à un jeune critique ?
Lire beaucoup d’articles et écouter tout ce qui lui passe sous la main, admirer les artistes et garder son enthousiasme : la clef, c’est de rester émerveillé quand on entre dans une salle d’opéra !
