C’est avec beaucoup de retard, dû à son éloignement de la France, que nous apprenons le décès de Jacques Pottier. Le nom ne dira pas grand-chose à la grande majorité des lyricomanes, et pourtant il a fait partie de ces nombreux chanteurs qui ont œuvré pour que vive l’art lyrique français.
Né le 17 août 1930 à Darnétal, il est décédé le 3 septembre 2023 à Melbourne (Australie). Armé de son premier prix de chant du Conservatoire national de Paris (1956), il décide de continuer à étudier, et part à Milan dans la classe de Gina Cigna. C’est avec elle qu’il va peaufiner une technique basée essentiellement sur l’art du chant italien. Entre 1957 et 1973, il chante ainsi à Paris, en province et à l’étranger la plupart des premiers rôles de fort ténor. Il a enregistré certains de ces rôles, essentiellement pour la radio. Parmi ses microsillons, on remarque en particulier Les Noces de Stravinsky, dirigé par Pierre Boulez, qui obtint en 1966 le Grand prix du disque de l’Académie Charles-Cros. À propos du Roi David d’Honegger enregistré en 1962 sous la direction de Serge Baudo, Laurent Bury, soulignait dans ces colonnes « Peu connu du grand public, lui aussi, le ténor Jacques Pottier assura pourtant à l’Opéra de Paris la plupart des grands rôles du répertoire dans les années 1960 (on peut notamment l’entendre en Premier Philistin dans le Samson et Dalila enregistré par Georges Prêtre). Sa voix bien timbrée en fait un David plus convaincant que certains titulaires trop légers pour le personnage. »
On peut toujours voir sur YouTube la captation des représentations mythiques de Falstaff à Garnier en 1970, avec Tito Gobbi et Fedora Barbieri, et toute une pléiade des meilleurs chanteurs de la troupe, où lui-même interprétait le rôle du Docteur Caïus. C’est d’ailleurs lors de ces représentations que Tito Gobbi lui avait dit : « C’est très bien ce que vous faites, qu’est-ce que vous chantez d’autre ? », et Jacques lui avait répondu « Le mois dernier je chantais Faust ici même ». « Ah oui, c’est bien, et quel rôle ? ». « Mais celui de Faust ! ». Ainsi fonctionnait la troupe de l’Opéra où l’on alternait tous les types de rôles. Il chantait encore en 1972 le rôle de Spoletta dans Tosca, aux côtés de Gabriel Bacquier. Comme tous les artistes de la troupe, il fut reçu par Rolf Lieberman à son arrivée à la direction en 1973. Celui-ci ne lui posa qu’une question : « Qui est votre agent ? ». Et Jacques lui répondit de manière irréfléchie : « Je n’en ai pas ! ». En effet, les artistes de la troupe n’avaient pas besoin d’agents. L’entretien s’arrêta là.
Jacques Pottier décida alors de se tourner vers l’enseignement, et anima pendant plus de dix ans deux classes, aux conservatoires de Massy (dont la directrice était Marie-Anne Audi, de l’Opéra Comique) et de Longjumeau. Outre ses qualités humaines, il avait celle de respecter les voix (il n’en abîma jamais aucune) et de ne pas compter son temps. Parmi ses élèves, beaucoup ne pratiquaient le lyrique (qui se développait parallèlement sur scène dans la troupe des Tréteaux Lyriques de l’Essonne) qu’en tant que hobby. Certains continuent toujours de chanter, d’autres sont à leur tour entrés dans l’enseignement.
Parallèlement, il mettait sa technique vocale italienne au service de chanteurs de variété ou d’acteurs, pour améliorer leur pose de voix et soulager ainsi leur fatigue vocale. Citons, entre autres, Dalida, Sheila et Thierry le Luron. Il aurait certainement animé aujourd’hui, à l’instar de Marianne James, des émission de télévision consacrées à la voix !
En 1983, il décidait de s’expatrier à Melbourne, où il continua d’enseigner, et même de chanter pour ses amis : à 80 ans, il attaquait toujours sans faiblir les contre-uts de l’air de La Fille du Régiment.
Décès du ténor Jacques Pottier
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Brève
31 juillet 2024
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