Daniela Barcellona est une grande habituée du Festival Rossini de Pesaro, sa première apparition datant de 1996. Cela s’entend, la mezzo chante cet après-midi devant un public conquis d’avance, qui l’accueille par des applaudissements nourris.
Est-ce cette réception chaleureuse ou le fait d’être accompagnée au piano par Alessandro Vitiello qui n’est autre que son mari à la ville mais aussi son professeur et celui avec qui elle étudie ses rôles ?
Elle apparait en tout cas très détendue et souriante pour ce concert au Teatro Rossini, placé sous le signe de la générosité.
Générosité de par la durée du concert, dépassant allègrement l’heure et demie normalement impartie, et par la diversité du répertoire parcouru, de de Falla à Rossini, de Donizetti à Bizet, osant même une incursion chez Cilea.
Des Siete canciones populares españolas qui ouvrent le concert, hautes en couleur, aux Quattro canzoni D’Amaranta de Tosti, plus dramatiques, la chanteuse passe d’une atmosphère à l’autre avec un grand naturel, trouvant pour chaque air le ton juste. L’irrésistible Regata veneziana tirée des Péchés de vieillesse de Rossini, lui permet de faire montre de toute sa fantaisie, ne boudant pas les sourires et les œillades coquines
Elle peut s’appuyer pour cela sur sa technique sans faille et une voix égale sur laquelle le temps ne semble pas avoir de prise, mais aussi sur une complicité évidente avec son accompagnateur. Ce dernier offre un écrin délicat au chant de son épouse, où la virtuosité du jeu (réelle comme démontré dans les deux Polonaises de Chopin) est toujours mise au soutien de la voix.
Au moment d’entamer la scène de Tancredi (« Oh patria ! … Di tanti palpiti »), Daniela Barcellona évoque avec émotion le souvenir du chef Gianluigi Gelmetti, qui l’a beaucoup soutenue au début de sa carrière et qui l’avait dirigée dans cette œuvre ici même en 1999. Là encore l’investissement émotionnel est palpable, et la voix, capiteuse, se joue sans difficulté des chausse-trappes de l’écriture virtuose rossinienne.
La partie francophone du programme (air de Mignon, scène de La Favorite puis Habanera de Carmen en bis) convainc un peu moins, la faute à une diction française confuse, mais la mezzo-soprano finit d’enthousiasmer le public avec un extrait d’Adriana Lecouvreur. L’engagement de la chanteuse et sa science dans le mixage des registres font de sa princesse de Bouillon un bouquet final des plus excitants.