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VERDI, Nabucco – Berlin (Staatsoper)

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Spectacle
26 octobre 2024
Mettre en scène Nabucco aujourd’hui

Note ForumOpera.com

4

Infos sur l’œuvre

Opéra en quatre actes
Musique de Giuseppe Verdi sur un livret de Temistocle Solera, tiré de Nabuchodonosor (1836), drame d’Auguste Anicet-Bourgeois et de Francis Cornu
Créé le 9 mars 1842 à la Scala de Milan

Détails

Mise en scène
Emma Dante
Décors
Carmine Maringola
Costumes
Vanessa Sannino
Lumières
Manueal Lo Sicco

Nabucco
Luca Salsi
Ismaele
Ivan Magri
Abigaille
Anastasia Bartoli
Fenena
Marina Prudenskaya
Zaccaria
Mika Kares
Anna
Sonja Herranen
Abdallo
Andrés Moreno Garcia
Le grand-prêtre
Manuel Winckhler

Staatsopernchor
Chef des chœurs
Dani Juris
Staatskapelle Berlin
Direction musicale
Bertrand de Billy

Berlin, Staatsoper
Jeudi 24 octobre 2024, 19h30

 

A Berlin, Staatsoper, les seconds couteaux sont parfois tellement affilés qu’on les sent prêts à prendre les premiers rôles ! C’est un peu ce qu’on se dit en quittant Unter den Linden à l’issue d’une représentation de Nabucco de très grande classe avec, donc, une sorte de cast B qui en ferait rêver plus d’un. Dans cette nouvelle production proposée par Emma Dante, intéressante à plus d’un titre mais qui pose aussi son lot de questionnements, on le verra, Anna Netrebko (Abigaille) et René Pape (Zaccaria) ont vite cédé la place à Anastasia Bartoli et Mika Kares, qui ont ébloui une salle où pas un siège n’est resté vide.
Concernant ce dernier, nous l’avions admiré dans le Ring proposé ici même en 2022 par Thielemann/Tcherniakov. Tour à tour Fasolt, Hunding et Hagen, sa puissance et ses incarnations en diable nous avaient à l’époque retourné. Ce soir, il est un Zaccaria époustouflant de présence, de puissance et d’intensité. Tout juste s’est-on demandé s’il était suffisamment échauffé pour son « D’Egitto là su i lidi », où la souplesse a pu manquer au tout début de l’aria – les graves du « Timor » final impressionnent en revanche déjà. La cabalette à suivre, reprise avec ornements s’il vous plaît, laisse augurer que la soirée sera belle. Et de fait, Miko Kares déroule ensuite un des rôles de basse verdiens les plus accomplis, avec panache et aisance, fa dièse aigu compris !
Quant à Anastasia Bartoli qui reprend le rôle d’Abigaille, c’est l’émotion de la soirée. Il sera difficile d’être objectif et de trouver à redire à cette prestation absolument achevée, alors soyons honnête jusqu’au bout et disons-le une fois pour toutes : la seule chose qui manque encore à Bartoli c’est la longueur. On aurait aimé que certaines phrases ne finissent pas trop vite, que le plaisir soit prolongé d’entendre l’émotion pure dite à travers les notes. Mais tout le reste y est, et en abondance. La présence tout d’abord ; la tête fière, relevée et comminatoire, ses faux airs de Cruella, l’élégance dans le geste, y compris dans la menace, y compris dans le suicide. Mais surtout cette voix. Elle avait déjà impressionné Antoine Brunetto cet été à Pesaro dans le rôle-titre de Ermione. Il l’avait trouvée « incandescente ». C’est exactement cela : elle brûle par la présence et la portée de la voix. Pas une once de faiblesse dans les aigus, pas le moindre relâchement dans la portée des graves, pas de difficulté apparente dans les innombrables cabrioles de sa partie. Comme toujours, Abigaille est attendue en entrée du II. L’arioso est pleinement incarné, l’aria se termine comme une prière irrésistible. Et que dire de la cabalette (avec reprise ornée en sus) qui emporte tout sur son passage et l’enthousiasme bruyant d’un public qui lui réservera au final une ovation dont elle se souviendra certainement.
Voilà donc à quoi ressemble le cast B de ce Nabucco ! Luca Salsi, quant à lui, présent dans le rôle-titre depuis la première le 02 octobre dernier, est le troisième larron à récolter aussi bruyamment les vivat du public. Et comme c’est justice. Salsi est aujourd’hui un grand Nabucco parce qu’il est crédible sur toute la longueur, parce que ses états d’âme et son revirement final, il sait entièrement les partager avec la salle. La voix réussit par la nuance à décrire tout ce qu’il faut d’autorité, de force, voire de férocité, mais aussi de tendresse, de pitié et finalement de piété ; du grand art. Sonja Herranen est une Anna au soprano impétueux et Andrés Moreno Garcia s’acquitte fort bien du modeste rôle d’Abdallo, qui a toute son importance dans le déroulement de l’intrigue. On attendait plus de légèreté en revanche de la Fenena de Marina Prudenskaya, plus à l’aise dans les ensembles du début de l’ouvrage que dans son aria du IV (« Oh, dischiuso »), et bien mieux d’un Ivan Magrì, plusieurs fois en difficulté dans le rôle d’Ismaele (problèmes de justesse et dureté dans les aigus forte). Bertrand de Billy, à la tête de la Staatskapelle, dynamise l’orchestre par un tempo allant, plus qu’allant, nerveux, intense et captivant, notable dès l’ouverture. Ce tempo sera logiquement tenu tout au long de la soirée à l’exception notable de l’aria « Dio di Giuda », pris par contraste très lentement et qui rend cette scène de la conversion de Nabucco d’autant plus saisissante. Ce rythme soutenu a pu entraîner quelques décalages sans conséquence (air d’entrée de Zaccaria), y compris dans les nombreuses parties chorales. Chœur pléthorique avec un « Va pensiero » vibrant à souhait.


© Bernd Uhlig

Reste la question de la mise en scène. La Sicilienne Emma Dante (qui avait proposé Cenerentola en mai dernier à Barcelone) offre une vision atemporelle de Nabucco, en tout cas certainement pas historique, les costumes étant contemporains, les Assyriens tous armés de pistolets. Les Hébreux sont des Juifs orthodoxes : on les voit attentifs à accomplir leurs prières avec soin. Le mur du Temple est omniprésent (et on le voit plusieurs fois attaqué par les Assyriens) ; les symboles juifs sont mis à mal (Nabucco, au I, détruit les Tables de la Loi) et les violences sont bien visibles sur scène.
Mettre en scène Nabucco aujourd’hui peut relever du pari risqué. Montrer des Juifs se faire prendre en otage, se faire brutaliser, exécuter, montrer des cadavres d’enfants arrachés des mains de leurs mères, des corps recouverts de linceuls blancs, montrer des assaillants ivres de sang, sans parler des imprécations contre le peuple juif contenues dans le livret de Temistocle Solera, tout cela renvoie invariablement le spectateur vers une tragique actualité. Faut-il le faire ? Avec un tel réalisme ? Dans le contexte géopolitique actuel ? Dans la note d’intention, Emma Dante se dit consciente que le terrain est glissant : elle l’assume crânement.
Dont acte.

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Opéra en quatre actes
Musique de Giuseppe Verdi sur un livret de Temistocle Solera, tiré de Nabuchodonosor (1836), drame d’Auguste Anicet-Bourgeois et de Francis Cornu
Créé le 9 mars 1842 à la Scala de Milan

Détails

Mise en scène
Emma Dante
Décors
Carmine Maringola
Costumes
Vanessa Sannino
Lumières
Manueal Lo Sicco

Nabucco
Luca Salsi
Ismaele
Ivan Magri
Abigaille
Anastasia Bartoli
Fenena
Marina Prudenskaya
Zaccaria
Mika Kares
Anna
Sonja Herranen
Abdallo
Andrés Moreno Garcia
Le grand-prêtre
Manuel Winckhler

Staatsopernchor
Chef des chœurs
Dani Juris
Staatskapelle Berlin
Direction musicale
Bertrand de Billy

Berlin, Staatsoper
Jeudi 24 octobre 2024, 19h30

 

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