En mars 2023 à l’Athénée, Coups de roulis mis à la sauce soap-opérette par Sol Espeche et Les Frivolités parisiennes cassait la baraque. « Un pur moment de bonheur » écrivions-nous à la sortie du théâtre, la dopamine stimulée par un spectacle sans temps mort, ni faiblesse.
Réalisé dans des conditions sonores satisfaisantes, cet enregistrement public de la représentation du 17 mars offre une fluidité théâtrale que n’autorise pas toujours le studio. De la scène au disque, il y a cependant un fossé, visuel pour le moins, que le biais de positivité – la faculté du cerveau à embellir les souvenirs – rend difficile à combler. Si l’euphorie est en deçà, l’écoute ne contredit pas les impressions engrangées en salle. La diction des chanteurs est exemplaire, au point que l’on peut aisément se passer de la lecture simultanée des lyrics de Willemetz, reproduits intégralement dans le livret d’accompagnement. Les micros confirment l’adéquation des voix tant à leur rôle qu’à ce répertoire. La direction d’Alexandra Cravero à la tête des Frivolités parisiennes rend justice à l’orchestration raffinée d’une partition dont l’état du matériel existant, inutilisable comme souvent avec des ouvrages qui ne sont plus joués, a nécessité une nouvelle édition.
Reste le problème, non négligeable, des textes parlés auxquels se substitue une récitante, dans l’esprit feuilletonesque du spectacle. Utile lors de la première écoute pour qui ne connaît pas l’histoire (mais aisément pallié par la lecture de l’argument), ce « bon compromis pour permettre de suivre l’action sans avoir l’intégralité des dialogues » – dixit Mathieu Franot, le cofondateur des Frivolités Parisiennes – décourage une réécoute le plus souvent motivée par la musique. C’est là un des écueils de l’opérette enregistrée (et de l’opéra-comique). Bien que préjudiciable à l’intégrité de l’œuvre, la suppression desdits dialogues demeure la meilleure solution.
En dépit de cette réserve, voilà au sein d’une discographie famélique une alternative intéressante à la version dirigée par Marcel Cariven pour le label Musidisc en 1963. Nul ne s’en plaindra s’agissant d’un ouvrage injustement négligé par la postérité, le dernier de Messager, artefact de l’opérette en ses appâts les plus nobles, avant que le genre ne brûle ses dernières cartouches quelques décennies plus tard dans les grands spectacles du Châtelet.