Forum Opéra

HAENDEL, Partenope – Francfort

arrow_back_iosarrow_forward_ios
Partager sur :
Partager sur facebook
Partager sur twitter
Partager sur linkedin
Partager sur pinterest
Partager sur whatsapp
Partager sur email
Partager sur print
Spectacle
16 novembre 2024
Une dramatisation sans objet

Note ForumOpera.com

3

Infos sur l’œuvre

Opéra en trois actes (Londres, 1730, King’s Theatre)

Livret de Silvio Stampiglia

Détails

Mise en scène

Julia Burbach

Scénographie

Herbert Murauer

Costumes

Raphaela Rose

Chorégraphie

Cameron McMillan

Lumières

Joachim Klein

Dramaturge

Zsolt Horpácsy

 

Partenope

Jessica Niles

Rosmira

Kelsey Lauritano

Arsace

Franko Klisovic´

Armindo

Claudia Ribas

Emilio

Magnus Dietrich

Ormonte

Jarrett Porter

Danseurs

Adrián Ros/Tommaso Bertasi/ Lara Fournier/ Sophia Esmeralda Vollmer/ Ariadna Llussà

 

Orchestre des Musées de Francfort

Direction musicale

George Petrou

Francfort, mardi 12 novembre 2024 à 19 heures

 

Quel est le projet de la mise en scène ? C’est la première question que l’on se pose une fois assis dans les gradins du bâtiment industriel désaffecté dont les vastes dimensions et la haute structure sont utilisées depuis des années déjà pour des programmes culturels variés, en particulier des représentations d’opéra, avec succès puisque l’établissement de Francfort a déjà remporté trois fois, si nos informations sont bonnes, le titre d’Opéra de l’année. A nos yeux se présente un visage de femme, pensive et mélancolique, au-dessus de l’orchestre qui ne dispose pas de fosse, une image projetée sur un rideau composé de bandes de tissu accrochées à une structure métallique circulaire dont on découvrira qu’un diamètre de métal permet les va-et-vient d’ un rideau pour diviser l’espace scénique, en cacher ou en révéler une partie ou toute la profondeur.

Tel est le premier contact avec la représentation de Partenope et aussitôt la crainte surgit d’un parti pris qui fausserait la portée de l’œuvre, renforcé par la présence sur le plateau, pendant l’ouverture, de cette femme au costume à base de drapés revus et corrigés et dont le visage est profondément sérieux. Il s’agit bien du rôle-titre que l’on ne verra sourire qu’à la fin de l’œuvre, quand elle reprendra l’air de défi qu’elle avait adressé à Eurimène. Ceci nous semble encore mystérieux, mais s’explique peut-être par la version choisie, qui daterait de 1870, en l’absence d’une édition critique chez Barenreiter. Jusque-là il arrive qu’elle s’appuie contre les murs, hésitante, troublée, comme en proie à des sentiments douloureux profonds et sincères.

Or, qui est Partenope ? Il ne s’agit pas de la sirène qui tenta de perdre Ulysse, mais de la légendaire fondatrice de Naples, une jeune femme régnant sur une ville qui porte son nom. Séduisant tous les hommes qui l’approchent, elle s’est entichée d’un bellâtre qu’elle a évidemment subjugué. Elle n’a strictement aucun motif de se lamenter, et elle ne le fait pas, célébrant au contraire son plaisir de vivre. A aucun moment elle ne doute d’elle-même. Aussi sommes-nous rétif à cette image de femme soucieuse, un parti-pris auquel nous ne souscrivons pas. Car les autres personnages, s’ils ont des sujets de se plaindre, ne sont pas pitoyables, tels que le livret les définit.. Seule Rosmira pourrait faire pitié, mais le tempérament vindicatif qu’elle révèle, son obstination à punir  Arsace l’emportant de loin sur l’expression du chagrin, et l’aisance avec laquelle elle porte le vêtement masculin au point de donner le change ne révèlent-ils pas un tempérament de virago ? La poursuite de la vengeance l’emporte largement sur les tendres épanchements éventuels.

Arsace, le beau gosse, est un cœur d’artichaut toujours prêt à céder à la tentation d’un beau visage ; il passe tout le temps de l’opéra à se plaindre de la rudesse avec laquelle le traite celle qu’il a trahie, à se lamenter sur son sort, mais à aucun moment il ne se remet en cause. Ormindo, l’amoureux transi de Partenope, est valeureux au combat, mais dans les rapports amoureux il semble voué à être le souffre-douleur d’une maîtresse-femme. Sa pusillanimité sentimentale le rend ridicule. Emilio enfin est ridicule d’emblée, dans sa suffisance de mâle qui croit apaiser Partenope en passant de la morgue machiste aux clichés de la soumission.

Seul Ormonte, l’officier dévoué à Partenope, échappe au ridicule de ces exposés complaisants où ces personnages, dans les reprises, amplifient leur discours doloriste et nombriliste qui leur tient lieu d’être. Mais la metteuse en scène a jugé bon de l’inclure dans sa vision de l’œuvre en le montrant en deuxième partie revêtu de la tenue que portait Partenope au combat contre Emilio, bustier lamé et jupe vaporeuse. Pourquoi pas ?  Mais pourquoi, alors que les aspects potentiellement comiques des personnages principaux ne sont pas exploités, exception faite d’Emilio, qui est présenté en extravagant clownesque, ce qui est redondant.

C’est un exemple des nombreuses idées dont ne voit pas quelle lumière elles apportent sur les personnages et leurs relations, et qui semblent avoir pour but ultime de proposer sans cesse au spectateur une action ou une vision scéniques pour conjurer le péril : l’enchaînement des airs serait ennuyeux. Est-ce le choix de la mise en scène ? Du dramaturge ? Est-ce la raison de la présence, quasiment incessante, de cinq danseurs ? Si on ne peut que louer leur endurance, leur performance, la qualité de leur prestation, qu’ils dansent ou fassent acte de présence, témoins muets et intrigants des exposés ou acteurs de la pantomime représentant la bataille, – et ils seront ovationnés et longuement applaudis  aux saluts – il n’en reste pas moins que souvent leur présence détourne l’attention au détriment du personnage que le chant construit. Reste une ténacité que l’on salue dans la recherche d’une animation scénique qui a déterminé le choix d’un plateau tournant,  que ce soit par les danseurs, par le jeu des rideaux, par les éclairages, par les entrées et sorties, qui peuvent s’effectuer au fond de la scène sur les deux côtés d’un panneau central comme sur les bords extérieurs de la scène tant à cour qu’à jardin. Sans oublier les accessoires, la baignoire, le lit, les canapés bancals, les chaises déplacées, les esquisses de statue évoquant les animaux cités dans les airs (le lion) ou un Antinoüs en fragments, rien n’est négligé et assurément le travail de préparation a été minutieux et s’est voulu exhaustif. Quel dommage que l’essentiel, la causticité du regard du librettiste sur les personnages, ait été mis sous le boisseau !

On attendait avec curiosité de découvrir la distribution, promise comme très prometteuse avec des chanteurs annoncés comme les vedettes de demain. Si Franko Klisovic fera sans doute parler de lui, car après un début hésitant il va libérer l’étendue et la souplesse de sa voix de contreténor et médusera le public par son émission extrêmement contrôlée dans les passages élégiaques chantés sur le souffle, il impressionne aussi par une vigueur qui convient à l’Apollon dont s’est coiffée Partenope. Il est du reste le seul qui sera applaudi à scène ouverte. Ses partenaires, sans démériter, n’ont pas su allumer le feu. Sa Rosmira était bien chantante, mais il manquait à Kelsey Lauritano un punch vocal qui impose la vigueur du personnage, liée au travesti masculin et à la violence du ressentiment – à la décharge des chanteurs, se produire dans cet espace sans un décor qui renvoie le son doit être très inconfortable. Beaucoup de finesse dans l’interprétation du timide Ormindo par Claudia Ribas, de la souplesse, de la conviction, une métamorphose perceptible quand Partenope consent à le laisser l’aimer, mais la prestation, très musicale, manque d’éclat.

Peut-être pénalisé par le costume qui fait d’Emilio un grotesque, le ténor Magnus Dietrich semble d’abord meilleur acteur que chanteur, avant de rendre pleine justice au personnage dans le retour à la lucidité favorisé par sa défaite. Quant à Jarrett Porter, il cherche bien un peu les graves d’Ormonte, mais il finit par les trouver et se prête de bonne grâce à la pantomime que lui impose la mise en scène.

Reste Partenope, Jessica Niles, qui devait être la sensation annoncée. Était-ce un mauvais soir ?  Sa Partenope ne nous a pas subjugué. En faisant la part des choses – le lieu pour nous peu adapté aux voix à l’ampleur limitée, et une conception scénique qui ne libère pas l’exubérance du personnage – on sera bienveillant et on la réentendra volontiers dans de meilleures conditions.

Aucune restriction, en revanche, au plaisir délivré par l’orchestre, amoureusement modelé par George Petrou. Les cors naturels de la fanfare de chasse sont impeccables, la trompette est cuivrée à souhait, la flûte gazouille, les clavecins se répondent, et les cordes passent du plein soutenu à d’arachnéennes finesses. Et le chef libère les rythmes dansants, les ritournelles serpentines, les modulations obsédantes, et le charme Haendel agit, envers et malgré tout !

Commentaires

VOUS AIMEZ NOUS LIRE… SOUTENEZ-NOUS

Vous pouvez nous aider à garder un contenu de qualité et à nous développer. Partagez notre site et n’hésitez pas à faire un don.
Quel que soit le montant que vous donnez, nous vous remercions énormément et nous considérons cela comme un réel encouragement à poursuivre notre démarche.

Note ForumOpera.com

3

❤️❤️❤️❤️❤️ : Exceptionnel
❤️❤️❤️❤️🤍 : Supérieur aux attentes
❤️❤️❤️🤍🤍 : Conforme aux attentes
❤️❤️🤍🤍🤍 : Inférieur aux attentes
❤️🤍🤍🤍🤍 : À oublier

Note des lecteurs

()

Votre note

/5 ( avis)

Aucun vote actuellement

Infos sur l’œuvre

Opéra en trois actes (Londres, 1730, King’s Theatre)

Livret de Silvio Stampiglia

Détails

Mise en scène

Julia Burbach

Scénographie

Herbert Murauer

Costumes

Raphaela Rose

Chorégraphie

Cameron McMillan

Lumières

Joachim Klein

Dramaturge

Zsolt Horpácsy

 

Partenope

Jessica Niles

Rosmira

Kelsey Lauritano

Arsace

Franko Klisovic´

Armindo

Claudia Ribas

Emilio

Magnus Dietrich

Ormonte

Jarrett Porter

Danseurs

Adrián Ros/Tommaso Bertasi/ Lara Fournier/ Sophia Esmeralda Vollmer/ Ariadna Llussà

 

Orchestre des Musées de Francfort

Direction musicale

George Petrou

Francfort, mardi 12 novembre 2024 à 19 heures

 

Nos derniers podcasts

Nos derniers swags

Dans les profondeurs du baroque
CDSWAG

Les dernières interviews

Les derniers dossiers

Zapping

Vous pourriez être intéressé par :

Thaïs qui rit, Thaïs qui pleure
Jérôme BOUTILLIER, Eléonore GAGEY, Marie GAUTROT
Spectacle