Le château de Fontainebleau accueille Thomas Hengelbrock depuis 2020 pour des résidences qui animent le lieu à chaque saison. Un concept décliné avec succès par les Ensembles Balthasar Neumann à Hambourg, Baden-Baden, Barcelone et même à la Havane.
S’imprégner des lieux, y faire résonner la musique du temps crée des possibles particulièrement riches dans l’extraordinaire château dont l’histoire royale et impériale, multiséculaire, se prête à toutes les incursions musicales.
Pour ce « Noël au Château », nous aurons même le privilège de deux lieux de concerts avec une première partie dans le cadre sublime de la chapelle de la Trinité avant de traverser – à la suite des musiciens – la galerie de François Ier, couverte des fresques de Rosso Fiorentino afin de rallier la somptueuse salle de bal couverte des œuvres de Nicolo dell’Abate. Un décor, tout de peintures d’or et de stuc, donc, qui résonne des œuvres proposées ce soir et en constitue un écrin d’exception à l’excellente acoustique.
D’Italie en Allemagne, du XVIe au début du XXe siècle, le chef tresse une délicate guirlande liée par une même ferveur et un sens raffiné de la polyphonie.
La pâte sonore généreuse des vingt quatre membres du choeur Balthasar Neumann réchauffe immédiatement cette froide soirée d’hiver d’une lumière toute transalpine avec le Magnificat primo a otto voci de Claudio Monteverdi. Le travail de contraste, la précision des intentions narratives font merveille dans la seconde partie de la pièce, toute en dynamique, avant de prenantes dissonances dans le « Amen ».
La Sonata decima quinta a quatro de Dario Castello démontre à l’orchestre le même souci du style ainsi que le choix constant d’une interprétation investie mais équilibrée.
« O Jesu mi dulcissime » de Giovanni Gabrieli permet aux choristes de donner à entendre individuellement de très belles qualités vocales, d’oser à nouveau les pianissimi les plus fragiles et des dégradés de couleurs d’une notable richesse.
« Ave Maris stella » confirme toutes ces qualités ainsi qu’une belle conduite de la ligne sous la direction souple et investie de Thomas Hengelbrock. Le chef valorise des qualités de transparence et de nuances qui s’imposent d’emblée et seront opérantes tout au long du programme.
Après la déambulation nocturne déjà évoquée dans la magie du palais, les musiciens changent d’archet pour cette seconde partie qui voyage dans les époques sans heurt pour l’oreille, tant le recueillement commun aux différentes pièces en tisse la logique.
Le Quatuor à cordes en mi bémol majeur de Felix Mendelssohn – joué en quintette avec la contrebasse – succède à son si beau « Mein Herz erhebet Gott, den Herrn ». Voilà l’occasion d’explorer des sous-teintes différentes, plus lyriques, où le flux musical adopte la limpidité et l’énergie d’une torrent pour s’animer, éclabousser ou s’apaiser en fonction des caprices du relief musical.
« Wie schön leuchtet der Morgenstern » de Bach permet de confirmer que la diction allemande l’Ensemble est bien plus ciselée que son latin. Y préside une tendresse recueillie que l’on retrouve avec la même grâce suspendue dans « Wie soll ich Dich empfangen » de Gustav Schreck, « Jesu, grosser Wunderstern » et « Es kommt ein Schiff geladen » de Max Reger. Une musique comme un baume, qui adoucit l’âme jusqu’au merveilleux bis dû à Josef Rheinberger : « Abenlied », tout naturellement.
La prochaine résidence au château permettra d’applaudir la symphonie en Si mineur de Schubert – l’Inachevée – du 16 au18 mai avant une prometteuse Petite messe solennelle de Rossini en octobre prochain.
