Chroniquer un enregistrement des Quatre Saisons de Vivaldi sur ForumOpera.com, « le magazine du monde lyrique », pourrait sembler hors-sujet. Pourtant, ce nouvel opus publié par Harmonia Mundi renferme, au milieu de deux heures de musique instrumentale, un petit bijou vocal : le mouvement introductif du motet Nulla in mundo pax sincera. Dès les premières notes de cette aria, Julie Roset captive l’auditeur grâce à une voix d’une pureté cristalline et par une grande délicatesse dans la ligne comme dans les vocalises. Ces quelques minutes de bonheur justifieraient à elles seules l’écoute de l’album.
On peut également souligner que Théotime Langlois de Swarte, figure de proue de ce projet, est désormais un chef d’orchestre lyrique en devenir. N’a-t-il pas récemment dirigé le Requiem de Mozart à Versailles, ou encore Zémire et Azor de Grétry à l’Opéra Comique ? Mais ces arguments ne sont finalement que de beaux prétextes pour célébrer un magnifique CD, peu importe au final son genre musical. Qui aurait cru que, en 2024, la version d’une œuvre déjà gravée plus de cinq cents fois pourrait encore nous éblouir à ce point ?
Le violoniste ne cherche pourtant pas à se démarquer à tout prix de ses prédécesseurs ou à épater la galerie avec des effets superflus. Il privilégie une ligne méticuleuse et ornementée avec mesure, des changements de registre maîtrisés et des contrastes savamment dosés. Théotime Langlois de Swarte, jouant sur son violon Carlo Bergonzi de 1733, peut s’appuyer pour cela sur une technique magistrale. Dans le Presto de L’Été ou le premier mouvement de L’Hiver, les traits surgissent avec une clarté éclatante. Les mouvements lents, comme le Largo du Printemps, sont quant à eux d’une rare poésie.
Le Consort a opté pour un grand effectif, avec une vingtaine de cordes, offrant au soliste une assise solide et presque inhabituelle. Les enregistrements récents de cette œuvre privilégient en effet plutôt un orchestre moitié moins nombreux, voire un ensemble à un instrument par partie. Le résultat sonore en est spectaculaire : il suffit d’écouter l’entrée retentissante du Presto de L’Été ou encore les tutti éclatants du premier mouvement du Printemps, qui atteignent une plénitude sonore inouïe. La joie communicative de L’Automne, pleine d’une vitalité irrésistible, est tout aussi envoûtante.
L’ensemble instrumental se distingue également par sa cohésion et son engagement. Les couleurs des cordes du Consort sont si variées et expressives qu’on croirait entendre des cors dans le dernier mouvement de L’Automne ! Sous la conduite de Sophie de Bardonnèche, les violons virtuoses s’unissent dans une parfaite harmonie. Du violoncelle au théorbe, la basse continue est constamment passionnante, tandis que Justin Taylor, au clavecin, émaille le discours musical par de belles transitions irrésistibles et des clins d’œil subtils.
Le programme de ce double CD ne se limite pas au chef-d’œuvre de Vivaldi. Il propose également des versions tout aussi réussies de deux concertos pour violon ainsi que d’autres extraits d’œuvres du compositeur vénitien. Enfin, il invite à découvrir, cette fois avec un effectif instrumental réduit, un ensemble étonnant de danses vénitiennes tirées d’un recueil de Gregorio Lambranzi. Preuve ultime que le théâtre n’est, dans cet enregistrement, jamais bien loin !