Avant de partir respectivement pour Londres et Vienne, Haendel et Caldara ont séjourné à Rome durant leur jeunesse. Ils y ont composé plusieurs œuvres dédiées au cardinal Francesco Maria Ruspoli, influent mécène et protecteur. Dans ce cadre prestigieux, les deux musiciens ont créé de nombreuses cantates pour voix, probablement interprétées lors de soirées privées dans le somptueux palais de leur bienfaiteur. Le concert de ce soir offre une rare opportunité de découvrir un pan encore trop méconnu du répertoire baroque.
L’amour, thème central des trois cantates présentées, y est décrit comme une épreuve implacable, sans échappatoire, conduisant fatalement aux tourments infernaux. L’écriture vocale de ces œuvres témoigne de l’incroyable virtuosité des interprètes de l’époque. Les exigences imposées à la voix de basse n’ont rien à envier aux roucoulades virtuoses des castrats. Pour s’en convaincre, il suffit d’écouter les redoutables vocalises du récitatif qui clôt È un martirio della costanza de Caldara ou encore la tessiture exigeante de Partenza amorosa du même compositeur.
Dans un parcours semé d’embûches, cette écriture vocale exigeante trouve ce soir un interprète idéal en la personne d’Alexandre Baldo. Nous avions déjà salué ses qualités dans un récent enregistrement consacré à Caldara, ainsi que lors d’un récital donné à Lille. Le jeune baryton-basse brille une nouvelle fois par sa maîtrise impeccable de la vélocité, des transitions parfaites entre les registres et une pureté remarquable dans la conduite des lignes mélodiques. Son attention au texte confère en outre une profondeur expressive qui capte immédiatement l’attention de l’auditoire.
Au clavecin, Chloé de Guillebon se distingue, non seulement comme remarquable accompagnatrice – que de beautés et de subtilités dans les récitatifs ! –, mais également comme soliste. Dans l’étonnante Toccata per cembalo d’ottava stesa d’Alessandro Scarlatti ou les extraits de la Suite pour clavecin HWV 429 de Haendel, la jeune claveciniste déploie un style délicat et une virtuosité saisissante.
Bravo donc à la Scala pour cette initiative audacieuse dans le cadre de ses soirées baroques « Les 13 du 13 », qui offrent des moments intimistes et dans une quasi-obscurité. Après ce concert vivifiant, nous attendons avec encore davantage d’impatience le prochain récital au disque d’Alexandre Baldo, prévu cette année chez le label Aparté.