Le Bolchoï, ou Grand Théâtre en russe, a été fondé en 1776 par la tsarine Catherine, avec un bâtiment inauguré cinq ans plus tard et baptisé Théâtre Petrovski. On y joue alors des buffe italien alors très en vogue en Russie, mais aussi des ballets. Mais en 1805, il est détruit par un incendie. On fait appel à l’architecte Karl Rossi et on en construit un nouveau dès 1808, baptisé cette fois Théâtre Arbatski, du nom du lieu où il est érigé. Conçu comme un temple grec, il est entièrement en bois. Or, en 1812, lorsque le grand incendie allumé par les Russes pour obliger la Grande Armée napoléonienne à quitter la ville et à faire retraite dans les conditions que l’on sait, le bâtiment est entièrement dévoré par les flammes…
Il faut attendre 1819 pour qu’un concours soit lancé pour la construction d’un nouvel opéra pour Moscou. C’est Andrei Mikhailov, professeur à l’Académie impériale des Beaux-Arts qui remporte ce dernier, avec un projet d’emblée considéré comme trop dispendieux. Le prince Galitzine, qui vient d’être nommé gouverneur militaire de la ville, charge un autre architecte, Joseph Bové (ça ne s’invente pas), de corriger la copie de Mikhailov, ce qu’il fait dans les grandes largeurs. La construction commence en juillet 1820 et le nouveau théâtre Petrovski (il devait reprendre son nom d’origine) s’avère beaucoup plus vaste que le premier. D’où son appellation, qui s’imposera, de Bolchoï Petrovski, ce dernier nom disparaissant rapidement des usages.
Le bâtiment, conçu pour être au centre de la ville avec un plan urbain accompagnant sa construction, séduit non seulement par sa taille, mais aussi par sa fonctionnalité et ses installations techniques. Le poète Lermontov, dans son Panorama de Moscou, le décrit ainsi : « Sur une large place, s’élève le théâtre Petrovski, œuvre de l’art le plus récent, immense bâtiment construit selon toutes les règles du goût, avec un toit plat et un portique majestueux, sur lequel se dresse l’Apollon d’albâtre, debout sur une jambe dans un char d’albâtre, conduisant immobile trois chevaux d’albâtre et regardant avec dépit le mur du Kremlin, qui le sépare jalousement des anciens sanctuaires de la Russie ». Ce fameux char que l’on voit aujourd’hui sur les billets de 100 roubles, avec le théâtre au verso. Hélas, ce n’est pas le théâtre actuel que l’on peut voir aujourd’hui, puisque ce nouveau Bolchoï est à son tour détruit par les flammes en 1853. Il sera reconstruit peu ou prou à l’identique deux ans plus tard.
Voici deux siècles, c’est Le Triomphe des Muses, par les très oubliés Verstovski et Aliabiev, spécialement écrit pour l’occasion, qui est donné avec un grand succès pour l’inauguration, suivi d’un grand ballet, Cendrillon, par Fernando Sor, compositeur espagnol alors installé à Moscou et qui l’avait créé un peu plus de deux ans auparavant à Londres. Puisque nous n’avons pas de témoignage de l’opéra de Verstovski, ce sera donc l’ouverture de ce ballet qui vous donnera un témoignage lointain des festivités.