BIZET et ses contemporains, Artistes de l’Académie de l’Opéra de Paris – Paris

L’Opéra de Paris offrait vendredi dernier un gala de ses académiciens en forme d’hommage à Georges Bizet disparu il y a cent cinquante ans. Un gala qui faisait en effet la part belle au compositeur né à Paris en 1838, mais ouvert aussi à deux de ses contemporains, Charles Gounod, un ami, quoique plus âgé, mais ayant eu le même professeur, Fromental Halévy, et Jules Massenet, son cadet de quatre ans. Tout un pan incontournable de l’opéra français, que certains chanteurs ont eu parfois un peu de mal à porter tandis que d’autres ont au contraire brillé. La soirée débute heureusement avec Amandine Portelli, une Djamileh de luxe dans l’opéra bouffe éponyme en un acte de Bizet, créé en 1872. Le mezzo capiteux, à la projection et diction parfaites et les yeux de feu de de la jeune chanteuse donnent toute sa vérité et du style au personnage de l’amante délaissée du harem (« Nour-Eddin, roi de Lahore ») alors qu’elle s’inquiète d’un mauvais rêve. Le trio avec le ténor chinois Liang Wei (le moins doué de cette troupe, affligé dans toutes ses interventions d’un accent très gênant) en Haroun et avec le baryton Luis-Felipe Sousa en Splendiano lui fait encore honneur, dans cette partition à l’allégresse (et à l’orientalisme de bazar) bien défendue dès l’Ouverture par l’orchestre de l’Opéra de Paris sous la direction du chef allemand, Patrick Lange. L’ardente flamme de la mezzo trouvera encore à flamber en Carmen (« Je suis amoureuse »), dans le quatuor de l’acte II chez Lilas Pastia (« Nous avons en tête une affaire »), avant l’entracte. Avec la Frasquita de la piquante Sima Ouahman et la Mercédès de Sofia Anisimova, l’excellent baryton Clemens Frank (Le Dancaïre) et (le toujours problématique) Liang Wei (qui doit donc travailler la prononciation du français) en Remendado, le tempérament exceptionnel de Mademoiselle Portelli éclate. Le ténor norvégien Bergsvein Toverud est un Don José convenable, sans plus, face à la Micaëla émouvante de la soprano ukrainienne Daria Akulova (« Parle-moi de ma mère ») ; il convaincra davantage après l’entracte en Nadir (malgré quelques difficultés de prononciation) dans Les Pêcheurs de perles face au Zurga idéal de Clemens Frank décidément charismatique, à la voix souple et au timbre rond (« Au fond du temple saint »). Si ses accents sont assez beaux, le jeune ténor norvégien, quant à lui, n’a pu totalement se débarrasser du trac et il ne semble se libérer qu’en fin de concert dans le quatuor burlesque (« Voici l’omelette ! ») du Docteur Miracle, en Pasquin comique (incapable de prononcer le mot «oeufs ») bien entouré (Boglárka Brindás par ailleurs très bonne Maritana dans Don César de Bazan de J. Massenet, Sofia Anisimova, Clemens Frank) dans l’opérette de jeunesse de Bizet. Dans le public, Marie-Andrée Bouchard-Lesieur, ancienne académicienne qui a brillé sur cette même scène, nous confirme que ce genre de début est à la fois atroce et magnifique pour de jeunes chanteurs non encore expérimentés. Le baryton-basse ukrainien Ihor Mostovoi (premier Zurga de la soirée face à la Leïla frémissante au chant lumineux d’Isobel Anthony, « Je frémis, je chancelle ») et la soprano française Lisa Chaïb-Auriol (en superbe Mireille ingénue de C. Gounod puis en lutine Bettina dans le rare Don Procopio de Bizet) ont confirmé la pleine possession d’un talent qu’on avait déjà remarqué l’an passé.