« Carte postale » avons-nous titré. En effet, le propos est aussi lapidaire (moins de 40′) que le texte que l’on griffonnait au verso du souvenir de vacances. L’enregistrement correspond aux pièces produites dans un spectacle lyrique centré sur la montagne (1), chère à Lou Benzoni Grosset, fière de ses origines savoyardes. Pour ce faire, elle a invité Roger Frison-Roche, mais aussi Ramuz et Mario Rigoni-Stern, comme Leone Sinigaglia, le compositeur alpiniste, tombé dans l’oubli.
N’ayant pas vu le spectacle, et ignorant les textes retenus, comme la trame, nous nous bornerons à l’écoute du CD, pris à l’égal d’un récital, alors que les enchaînements sont certainement imposés par la narration ou les évocations. Douze lieder (dont certains fort brefs), trois mélodies françaises, et deux en italien… L’allemand domine : Schubert, Schumann, Mendelssohn, Brahms, Wolf, évidemment. Choix opportun que celui du trop rare Déodat de Séverac et de Meyerbeer pour notre langue, Rossini et Sinigaglia pour l’Italie. Les Alpes en partage.
Les choix sont judicieux, les enchaînements harmonieux, pour des mélodies qui ont en commun leur fraîcheur, leur simplicité (encore que la tyrolienne de Rossini et le Ranz des vaches de Meyerbeer exigent une technique affinée). La voix, légère, aux aigus limpides, nous offre ici de petits bijoux, dans une parure le plus souvent séduisante. Encore que le piano, parfois prosaïque, déçoit dans Im Haime (D.738, de Schubert), trop appuyé (2) pris très lent, et dans l’introduction du Ranz des vaches, où l’écho est à peine suggéré.
Les Schumann sont empruntés au Lieder-Album für die Jugend, sans prétention autre que leur candeur souriante. Des Knaben Berglied, décidé, enfantin, nous ravit. Schneeglockchen nous rappelle l’interprétation de Lucia Popp. Touchant, le Wiegenlied im Sommer, de Wolf. Des Soirées musicales, de Rossini, l’ariette La pastorella delle Alpi, guillerette tyrolienne, nous fait sourire. On comprend mal le fait d’avoir retenu Der Jäger (Die schöne Müllerin) qui détonne un peu, d’autant que les références en sont abondantes. Der Alpenjäger (D.588b), sur un poème de Schiller, eut sans doute convenu davantage. La narration du Winterlied de Mendelssohn est bien conduite, sans atteindre au dramatisme. Même si leur référence est pyrénéenne, les deux mélodies de Séverac, que nous avait révélées François Le Roux, trouvent ici leur place, servies par deux interprètes de qualité. Les trois dernières pièces, pour des raisons spécifiques, retiennent notre attention. Plus qu’une curiosité, la Montanina, de Siniglia, nous invite à découvrir l’œuvre vocale de ce compositeur oublié, car son écriture, sans apprêt, ne manque pas de séduction. De Schubert, le Schweitzer Lied, sur un poème dialectal de Goethe, est rare et trouve ici pleinement sa place. Enfin, le Ranz des vaches, sur un texte de Scribe, que composa Meyerbeer, s’inscrit dans une fort ancienne tradition. Le texte de Scribe en est savoureux, et l’illustration musicale traditionnelle (souvenons-nous de l’ouverture de Guillaume Tell).
Un disque sincère, frais, qui s’écoute avec plaisir, particulièrement pour la voix de Lou Benzoni, parfaitement appropriée à ce répertoire. Mais, pourquoi n’avoir pas envisagé un complément, compte tenu de son minutage chiche ? Le sujet était propre à fournir tant d’autres mélodies.
(1) Créé à Chamonix en 2023, repris à l’Auguste Théâtre (Paris XIe) l’année suivante, il y sera produit de nouveau à l’occasion de la sortie du disque, le 9 février. La mise en scène est confiée à Catherine Due, et l’illustration en direct à Annie-Claire Alvoët. (2) Ecoutez Dalton Baldwin et Elly Ameling, d’une toute autre élégance.