Forum Opéra

STRAUSS, Die Frau ohne Schatten – Berlin

arrow_back_iosarrow_forward_ios
Partager sur :
Partager sur facebook
Partager sur twitter
Partager sur linkedin
Partager sur pinterest
Partager sur whatsapp
Partager sur email
Partager sur print
Spectacle
29 janvier 2025
Et ils vécurent heureux sans enfant

Note ForumOpera.com

4

Infos sur l’œuvre

Opéra en trois actes
Musique de Richard Strauss
Livret de Hugo von Hofmannsthal
Création à Vienne, Staatsoper, 10 octobre 1919

Détails

Mise en scène
Tobias Kratzer
Décors et costumes
Rainer Sellmaier
Lumières
Olaf Winter
Vidéo
Manuel Braun, Jonas Dahl, Janic Bebi
Dramaturgie
Jörg Königsdorf

 

Der Kaiser
Clay Hilley
Die Kaiserin
Daniela Köhler
Die Amme
Marina Prundenskaya
Der Geisterbote
Patrick Guetti
Die Stimme des Falken 
Nina Solodovnikova
Hüter der Schwelle des Tempels
Hye-Young Moon
Erscheinung eines Jünglings
Chance Jonas-O’Toole
Eine Stimme von oben
Stephanie Wake-Edwards
Barak, der Färber
Jordan Shanahan
Färberin
Catherine Foster
Der Buckliger
Thomas Ciluffo
Der Einäugige
Philipp Jekal
Der Einarmige
Padraic Rowan
Keikobad
Harald Heinz (acteur)

 

Orchestre et chœur du Deutsche Oper Berlin
Chef du chœur
Jeremy Bines
Direction musicale
Donald Runnicles

 

Berlin, Deutsche Oper, dimanche 26 janvier 2025, 17h

Il y a des nouvelles productions qui font office de manifeste pour les maisons d’opéra. Alors que Paris va se doter d’un nouveau Ring, le retour à l’affiche de Die Frau ohne Schatten au Deutsche Oper Berlin vient combler une étrange absence à l’affiche dans l’ouest berlinois. Pour l’occasion, on a fait appel à Tobias Kratzer (le metteur en scène du nouveau Ring munichois) et réuni une distribution au cordeau.

En fosse bien entendu, Donald Runnicles relève le gant. Le directeur musical – qui doit passer la main en 2027 – caresse un orchestre qui réagit à chacune de ses indications dans une lecture rapide, fiévreuse souvent : si les équilibres sont maintenus et ménagent de beaux espaces aux solistes (violoncelle et violon), la masse orchestrale s’avère souvent énorme au détriment de certains détails. C’est le travers de ce chef tout porté à l’efficacité théâtrale. De fait sa lecture est haletante, et ce soir, il ne mettra pas en difficulté un plateau qui sait repousser les assauts de la fosse.

Une telle œuvre requiert des effectifs vocaux en nombre, l’occasion pour une maison de troupe et de répertoire de mettre en avant les jeunes talents qu’elle forme au travers de différents programmes. Toutes et tous se révèlent plus qu’à la hauteur et rejoignent les solistes dans l’excellence musicale offerte. Les veilleurs de la fin du premier acte, les servantes qui participent à la scène de séduction, les enfants du banquet improvisé sont au moins autant d’atouts que Nina Solodovnikova en Voix du Faucon, Hye-Young Moon (Voix de l’entrée du Temple) ou encore les trois frères estropiés de Barack – Philipp Jekal, Padraic Rowan et Thomas Cillufo. Seul Chance Jonas-O’Toole s’avère un rien sous-dimensionné pour donner tout son charme à l’apparition du jeune homme. C’est tout l’inverse pour Patrick Guetti dont le Messager sonore marque les esprits dès la première scène. Son volume est tel que sa diction en parait altérée. Clay Hilley ne fait qu’une bouchée du rôle impossible de l’Empereur. Il n’en a cependant pas encore l’élégance et son phrasé haché en fait un personnage bien prosaïque, ce qui sied à la mise en scène. Jordan Shanahan emporte la palme chez les hommes. La voix, belle et chaude, se coule dans les longues phrases dévolues à Barack. D’un timbre tout en rondeur, il tire les accents pathétiques qui rendent le personnage éminemment sympathique. Chez les femmes, Marina Prudenskaya se promène dans les habits de la nourrice. Elle en possède l’ambitus et l’endurance, et cette aura scénique et vocale qui lui permettent d’incarner une roublarde classieuse. Daniela Köhler maitrise sans doute possible les acrobaties de l’Impératrice. On regrettera simplement que son personnage évolue peu vocalement et ne trouve pas encore toute l’humanité qui doit lui revenir. A l’applaudimètre, Catherine Forster se taille la plus grande part du lion. Tout laisse en admiration : l’ampleur des moyens, l’endurance qu’elle conjugue avec une grande intelligence pour transformer son personnage en aimant. C’est rivé à cette présence, tour à tour pataude ou vindicative, que l’on passe une bonne partie de la soirée.  

© Matthias Baus

L’air de rien, Tobias Kratzer frappe un grand coup. Le rideau se lève sur un appartement bourgeois où un coursier (le messager) livre des colis. On déjà vu pareille scénographie, montée sur une tournette, à Lyon par exemple. On s’éveille dans la chambre. Monsieur part travailler. Arrivé dans le pressing de Barack et de sa femme, le mobilier est plus chiche. Des bâtonnets de poisson congelés feront l’affaire pour le diner du teinturier. On fait bien ce que l’on veut d’un conte, à fortiori quand celui-ci a été écrit en pleine psychanalyse naissante. Et Tobias Kratzer en fait une histoire déchirante de l’impératif à enfanter. C’est ce qui détruit les couples : il faut des descendants pour la transmission patrimoniale d’un côté bourgeois (l’ombre qu’il faut projeter sur le futur) ; pour montrer que l’on est homme digne et que son travail a un sens, de l’autre (nourrir ses frères avec ses deux mains). Dès lors, la transaction entre les deux mondes ne peut qu’être bassement mercantile. La nourrice loue un utérus. Une FIV et un choix de l’embryon par caméra de microscope et voici la Teinturière – rétive à la grossesse mais contrainte pécuniairement – en pleine fausse couche à la fin de l’acte 2. Le suivant s’ouvre sur les prolétaires en thérapie de couple qui les conduira à un divorce à l’amiable dans les dernières scènes. La nourrice se fera arrêter en tentant de dérober un enfant dans une maternité où plusieurs couples, dont un homosexuel, viennent récupérer leurs bébés dans des couveuses. L’impératrice enverra paitre son père et ses proches dans une scène qui n’est plus un jugement mais une fausse « baby shower ». Nos bourgeois pourront s’épanouir loin du poids social de la parentalité. La teinturière retrouve sa liberté et Barack, seul personnage qui énonce vouloir enfant dans le livret, aura une petite fille tout seul. Il vient la chercher à la sortie de l’école et lui met un bonnet vert en forme de grenouille (Frosch en allemand = Frau ohne Schatten) sur la tête. C’est là le dernier détail de génie d’une mise en scène captivante, dirigée comme une pièce d’Ibsen où même les choix qui frottent avec le livret du conte font sens. Tobias Kratzer et son équipe y parviennent par la minutie avec laquelle chaque détail trouve sa place et par l’adhésion complète de l’ensemble des artistes mobilisés. Le Deutsche Oper s’est dotée d’une grande production qui vient donner un éclairage contemporain, pertinent et clivant au chef-d’œuvre de Strauss et Hofmannsthal.

Commentaires

VOUS AIMEZ NOUS LIRE… SOUTENEZ-NOUS

Vous pouvez nous aider à garder un contenu de qualité et à nous développer. Partagez notre site et n’hésitez pas à faire un don.
Quel que soit le montant que vous donnez, nous vous remercions énormément et nous considérons cela comme un réel encouragement à poursuivre notre démarche.

Note ForumOpera.com

4

❤️❤️❤️❤️❤️ : Exceptionnel
❤️❤️❤️❤️🤍 : Supérieur aux attentes
❤️❤️❤️🤍🤍 : Conforme aux attentes
❤️❤️🤍🤍🤍 : Inférieur aux attentes
❤️🤍🤍🤍🤍 : À oublier

Note des lecteurs

()

Votre note

/5 ( avis)

Aucun vote actuellement

Infos sur l’œuvre

Opéra en trois actes
Musique de Richard Strauss
Livret de Hugo von Hofmannsthal
Création à Vienne, Staatsoper, 10 octobre 1919

Détails

Mise en scène
Tobias Kratzer
Décors et costumes
Rainer Sellmaier
Lumières
Olaf Winter
Vidéo
Manuel Braun, Jonas Dahl, Janic Bebi
Dramaturgie
Jörg Königsdorf

 

Der Kaiser
Clay Hilley
Die Kaiserin
Daniela Köhler
Die Amme
Marina Prundenskaya
Der Geisterbote
Patrick Guetti
Die Stimme des Falken 
Nina Solodovnikova
Hüter der Schwelle des Tempels
Hye-Young Moon
Erscheinung eines Jünglings
Chance Jonas-O’Toole
Eine Stimme von oben
Stephanie Wake-Edwards
Barak, der Färber
Jordan Shanahan
Färberin
Catherine Foster
Der Buckliger
Thomas Ciluffo
Der Einäugige
Philipp Jekal
Der Einarmige
Padraic Rowan
Keikobad
Harald Heinz (acteur)

 

Orchestre et chœur du Deutsche Oper Berlin
Chef du chœur
Jeremy Bines
Direction musicale
Donald Runnicles

 

Berlin, Deutsche Oper, dimanche 26 janvier 2025, 17h

Nos derniers podcasts

Nos derniers swags

Les dernières interviews

Les derniers dossiers

Dossier

Zapping

Vous pourriez être intéressé par :

RhAIngold, un début de Ring dans le métavers
Calixto BIEITO, Pablo HERAS-CASADO, Iain PATERSON
Spectacle