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VIVALDI, Arsilda

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CD
27 février 2025
Une boîte à bonbons vivaldiens

Note ForumOpera.com

4

Infos sur l’œuvre

Dramma per musica en trois actes
Musique d’Antonio Vivaldi
Livret de Domenico Lalli
Création le 27 octobre 1716 au Teatro Sant’Angelo de Venise

Édition critique de Bernardo Tizzi, 2024

Détails

Benedetta Mazzucato – Arsilda
Vasilisa Berzhanskaya – Lisea
Nicolò Balducci – Barzane
Leonardo Cortellazzi – Tamese
Marie Lys – Mirinda
José Coca Loza – Cisardo
Shira Patchornik – Nicandro

Andrea Marcon, direction musicale
La Cetra, Barockorchester & Vokalensemble Basel

 

3 CD Naïve 2025 enregistrés à la Martinskirche de Bâle (Suisse) du 8 au 12 juin 2024

Naïve poursuit vaillamment son exploration du fonds Vivaldi de Turin. Après deux, puis une parution par an entre 2003 et 2012, les intégrales lyriques sont plus espacées, et c’est en 2021 qu’il faut remonter pour Il Tamerlano et Argippo – qui ne sont que partiellement vivaldiens. Le nouveau titre est du Vivaldi pur jus, et vient enrichir une bien maigre discographie ne comptant que l’intégrale Sardelli (CPO, 2005) et une poignée d’airs séparés dans des récitals. Annonçons d’emblée que cette version supplante la précédente.

Arsilda, regina di Ponto date des premières années d’activités de Vivaldi au théâtre, alors que le Vénitien s’emploie au four et au moulin pour produire des spectacles dans la Sérénissime. Ignoré des scènes parrainées par les familles patriciennes, à commencer par le prestigieux San Giovanni Grisostomo, il se débrouille au plus modeste Sant’Angelo, auquel il restera largement fidèle, de L’Orlando finto pazzo de 1713 au Feraspe de 1739. Le compositeur y joue occasionnellement les imprésarios et metteurs en scène, et se contente de jeunes artistes encore non cotés. Pour la saison 1716-1717, le Sant’Angelo affiche deux opéras de Vivaldi (Arsilda, puis L’incoronazione di Dario) encadrant un Penelope de Chelleri qui sera finalement annulé.

Longuement mûrie – certaines variantes l’attestent –, Arsilda s’inscrit largement dans le sillage de l’opéra vénitien du siècle précédent, selon le modèle de La Dori, L’Argia, L’Ormindo ou L’Erismena : deux couples éloignés par le sort passent trois actes à se retrouver. Il leur faut pour cela solder leurs rancœurs, arbitrer raison et sentiment et surtout lever le masque de fausses identités. Croyant Tamese mort, sa jumelle Lisea occupe le trône en se faisant passer pour lui. Inconfortable position, entre les projets de mariage avec la princesse Arsilda et douleur de voir son ancien amant Barzane courtiser cette dernière. La réapparition de Tamese déguisé en jardinier ajoute à la confusion avant que chacun ne reprenne sa juste place. Lisea renoue avec Barzane et Arsilda avec le vrai Tamese. Mirinda, Cisardo et Nicandro observent et commentent sans servir à grand-chose.

Formellement, on est bien dans l’air du temps avec une majorité d’airs da capo mobilisant tout un bestiaire et les forces naturelles. Mais Vivaldi se permet quelques archaïsmes, comme un air en quatre strophes et des ariosos parfois fort brefs (« Cara gioia »), notamment lors d’une scène de chasse de forme très libre. Des flots de musique coulent de sa plume, des mélodies vives et expressives captant cinquante nuances de la confusion. Pour plus de force tragique, il faudra attendre le Tito Manlio de Mantoue peu après. Dramatiquement, on avouera préférer l’opéra-jumeau L’incoronazione di Dario, qui bénéficie d’héroïnes mieux caractérisées, de touches humoristiques et de plus de variété.

L’opéra fonctionne néanmoins au théâtre, comme l’a montré la jolie production dirigée par Václav Luks, en tournée en 2017. Andrea Marcon n’a pas l’avantage de la scène, et préfère le nostalgique au pathétique, la vitalité à la gravité, privilégiant les détails instrumentaux et la variété des ambiances pour peindre une succession de tableaux délicieux. La Cetra est à la fête et souligne tout ce que l’art vivaldien a d’entraînant et de coloré ; chaque air est savouré comme un bonbon, et même le chœur est mobilisé. Le goût de l’effet se fait ponctuellement envahissant : une machine à vent parasite tout « Quale a l’onte de’ venti », et des appeaux s’y ajoutent inutilement dans « Ride il fior ».

La distribution traduit à la fois les affinités du compositeur, le goût du temps et les contraintes du Sant’Angelo. Un seul castrat donc, un ténor et deux contraltos dans les couples principaux, deux sopranos et une basse en complément.

Fin limier, Vivaldi fut l’un des premiers à deviner l’immense talent du ténor Fabri, appelé à briller dans toute l’Italie, puis jusqu’à Londres et Madrid. « La tiranna avversa sorte » est un joyau du compositeur, qui a ici comme dans le reste de la partition sollicité la technique d’acier et l’ambitus de Fabri. Comme tous les autres interprètes de Tamese, Leonardo Cortellazzi a de beaux moments mais achoppe sur les difficultés du rôle. Les vocalises de « Siano gli astri a me tiranni » tournent à vide faute de vrai naturel virtuose, et l’aigu se fragilise.

Barzane est Nicolò Balducci, falsettiste à la voix haut perchée. Certes un peu exposé par le dépouillement de « Ah non so », Balducci convainc par sa présence, son timbre de hautbois et ses délicatesses virtuoses. Un nom à suivre.

Le mezzo fulgurant de Vasilisa Berzhanskaya a su convaincre dans Rossini ; mais dans Maometto secondo, elle reprenait le rôle de la Colbran et non le contralto. Dans un rôle sensiblement trop bas, elle ne manque pas de tempérament, mais amincit parfois son joli timbre jusqu’au parlando, quand elle n’enfle pas ses graves. Avec une voix assez voisine, Benedetta Mazzucato assume le contralto d’Arsilda avec plus d’homogénéité. Chez les deux artistes, on apprécie l’engagement dramatique et une souplesse plus que suffisante, réussissant deux princesses jeunes et féminines.

Sémillante et agile, Marie Lys est absolument charmante en Mirinda, dont les airs sont irrésistibles (« Io son quel gelsomino »). Autre soprano fruité, Shira Patchornik campe un Nicandro volubile, qui montre que Vivaldi n’a sacrifié aucun rôle musicalement. C’est aussi le cas de Cisardo, dont les trois airs sont parmi les plus accrocheurs et virtuoses de la partition. La basse bolivienne José Coca Loza y fait montre d’une belle autorité.

Difficile de résister à la pulsation et la sève vénitienne de ces perles, qui colorent opportunément l’arrivée du printemps.

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Dramma per musica en trois actes
Musique d’Antonio Vivaldi
Livret de Domenico Lalli
Création le 27 octobre 1716 au Teatro Sant’Angelo de Venise

Édition critique de Bernardo Tizzi, 2024

Détails

Benedetta Mazzucato – Arsilda
Vasilisa Berzhanskaya – Lisea
Nicolò Balducci – Barzane
Leonardo Cortellazzi – Tamese
Marie Lys – Mirinda
José Coca Loza – Cisardo
Shira Patchornik – Nicandro

Andrea Marcon, direction musicale
La Cetra, Barockorchester & Vokalensemble Basel

 

3 CD Naïve 2025 enregistrés à la Martinskirche de Bâle (Suisse) du 8 au 12 juin 2024

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