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Jean-Marc Aymes et Romain Bockler : « La favola d’Orfeo est une œuvre charnière »

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Interview
11 mars 2025
Le duo qui codirige Concerto Soave s’exprime à propos de la création à Marseille de La Favola d’Orfeo de Monteverdi

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Longtemps seul maître du destin de l’ensemble musical Concerto Soave Jean-Marc Aymes en partage désormais les rênes avec le baryton Romain Bockler. Tous deux étaient à l’œuvre à l’Opéra de Marseille où le premier dirigeait et le second chantait le rôle-titre de l’Orfeo de Monteverdi (voir notre compte rendu).

Pourquoi avoir choisi Orfeo de Monteverdi ?

J-M Aymes : Parce quand Marseille célèbre le centenaire de l’inauguration du bâtiment qui abrite l’Opéra municipal, il nous a semblé opportun de créer ce chef d’œuvre de la musique, qui à notre connaissance n’a jamais été donné ici. D’abord parce que l’œuvre est restée longtemps méconnue puisque même lorsque Vincent d’Indy la ressuscite en 1904 – grâces lui soient rendues – il la mutile en supprimant le premier acte. Ensuite parce que même si elle précède la période baroque proprement dite, elle en est un portique qui peut trouver sa place dans la manifestation Mars en baroque. Nous en sommes à la vingt-troisième édition, ce qui signifie qu’il y a un public. Enfin parce qu’il s’agira d’une exécution musicalement informée, par des musiciens rompus à ce répertoire et sur les instruments adéquats.

Justement, vous annoncez seize instrumentistes. N’est-ce pas un peu problématique, si l’on tient compte des diverses indications de Monteverdi, qui semble viser un ensemble plus copieux ?

J-M Aymes : Il y a deux façons au moins de lire les indications relatives au nombre d’instruments et de musiciens. D’abord comme le relevé détaillé des effectifs réunis pour l’exécution patronnée par le duc de Mantoue, exécution qui touchait au prestige de ce mécène. Or la création de cet Orfeo venait après la création à Florence, pour les Médicis, de l’Euridice de Peri en 1600. D’où une rivalité ou au moins une émulation : il fallait faire aussi bien et si possible mieux, et c’est la porte ouverte à la démesure. Nous nous en sommes tenus à l’effectif minimum indispensable, compte tenu de nos ressources. Les indications que nous trouvons dans l’édition originale de l’Orfeo       ne sont donc que le reflet de l’exécution mantovane, précieuses ô combien, mais pas impératives.

L’Orfeo est un chef d’œuvre indiscutable ; mais comment sera-t-il reçu par un public fervent de l’opéra italien du XIXe siècle ?

R Bockler : Bien, on l’espère ! Sans doute le traitement de la voix est-il éloigné de celui des compositeurs qui ont la faveur du public depuis les deux siècles derniers à Marseille, mais ce serait une erreur profonde de croire qu’ils sont étrangers ! Prenons par exemple l’air central, celui qu’ Orfeo déterminé à ramener Euridice à la vie  adresse à Caronte, le nocher qui conduit les morts dans l’au-delà où règne Plutone. Il en existe deux versions, toutes deux de la main de Monteverdi : l’une très dépouillée, l’autre très ornée. La deuxième est peut-être le relevé de l’interprétation du créateur du rôle, qui avait la réputation d’être un chanteur virtuose, maître de tous les ornements. Quoi qu’il en soit, son existence prouve qu’il est possible de chanter cette musique en la parant d’une virtuosité maîtrisée.

A cet égard je tiens à dire ma satisfaction de la réponse que les chanteurs apportent à mes suggestions. J’ai épluché les traités antérieurs à l’Orfeo pour établir une sorte d’état des lieux, cela m’a permis de recenser au moins une vingtaine d’ornements parmi lesquels j’invite les interprètes à choisir, et je crois que tous nous y prenons beaucoup de plaisir. Cela enrichit notre compréhension de la musique, de ses possibilités latentes, et cela nourrit notre interprétation. C’est vrai évidemment des solistes, que j’ai recrutés avec soin, mais cela se vérifie pour les artistes du choeur de l’Opéra. Il faut dire que leur chef, Florent Mayet, est aussi violiste et il partage notre amour pour cette œuvre et cette musique en général.

Justement, cette musique, qu’a-t-elle de si fascinant pour vous ?(ici il faudrait pouvoir transcrire les réponses simultanément, mais le mélange de deux discours crée la confusion ; on dira : parlant d’une seule voix)

J-M. Aymes et R. Bockler : C’est sa position charnière entre la musique de la Renaissance et celle qui va lui succéder à travers l’opéra vénitien. Elle recueille ce qui l’a précédée et elle le dépasse, elle transcende le temps. Pour nous elle n’a pas vieilli, sa beauté est intemporelle, et c’est pourquoi nous croyons qu’elle peut agit sur les auditeurs d’aujourd’hui. Sans doute beaucoup de la richesse d’Orfeo, comme manifeste philosophique et spirituel, échappe à bon nombre d’entre nous, mais le pouvoir de la Musique et du Chant, même si nous ne percevons pas précisément toutes leurs ramifications avec l’architecture intellectuelle de l’œuvre, reste actif. On prête à Jean Cocteau cette phrase : « Les privilèges de la beauté sont immenses : elle agit même sur ceux qui ne la voient pas ». Il en est de même pour la musique : il n’est pas nécessaire de la « comprendre » pour que son charme agisse sur nous.

 

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