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5 questions à Bruno Mantovani, directeur artistique du Printemps des arts de Monte-Carlo

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Interview
8 mars 2025
« Quand je compose le programme du festival, c’est encore en tant que compositeur. »

Infos sur l’œuvre

Détails

Bruno Mantovani, dont le dernier opéra Voyage d’automne a été créé au Capitole de Toulouse en novembre 2024, est directeur du conservatoire de Saint-Maur-des-Fossés et directeur artistique du Printemps des arts de Monte-Carlo depuis 2021. Un festival qui vient de débuter avec le très beau concert-prélude dirigé par Philippe Jordan et qui court jusqu’au 27 avril 2025 avec vingt-cinq concerts consacrés à quarante-six compositeurs, programmés pour commémorer le centenaire de la naissance de Pierre Boulez. Pour sa troisième programmation, le compositeur d’Akhmatova et de L’Autre côté a bien voulu répondre à 5 questions de Forum Opéra.

Quelles sont les particularités du festival ?

A Monaco, nous parlons davantage de la matière que du contexte. Nous parlons des œuvres. C’est touchant de constater qu’elles sont encore essentielles. Une forme d’élévation par l’exigence, un élitisme artistique et intellectuel est encouragé (je ne parle pas du contexte social de Monaco). Ici, je redeviens l’étudiant de vingt ans au CSNMD que j’étais, c’est-à-dire que je me pose sans cesse de vraies questions sur nos arts. J’ai de plus une totale liberté de programmation et même un encouragement à l’audace. Aucune contrainte de rentabilité ne m’est opposée. Le Printemps des arts ne propose rien qui ait été donné ailleurs. Nos programmes sont conçus par les musiciens et moi-même.

Quelle est votre approche spécifique du festival en tant que compositeur ?

Certaines de mes œuvres ont été programmées ici par le passé. En ce qui me concerne, j’essaie de relier la musique à d’autres disciplines telles que la peinture, l’architecture, la photographie, la littérature. L’an dernier nous avons évoqué la figure de Sebastiāo Salgado, cette année notre identité visuelle sur les affiches et programmes est marquée par les œuvres de Francis Bacon, le peintre dont la Fondation se situe ici-même à Monaco. Cette année, nous organisons deux concerts, dont une déambulation, au milieu de ses œuvres avec un programme musical consacré à Luciano Berio et Pierre Boulez. En ce qui concerne la littérature, nous menons une collaboration fertile avec les Rencontres littéraires fondées par Charlotte Casiraghi. Une création de ma dernière œuvre, Venezianischer Morgen sur un poème de Rainer Maria Rilke, en constituera un des moments. Monaco concentre un nombre incroyable d’institutions culturelles et nous travaillons également avec l’Orchestre philharmonique et les Ballets de Monte-Carlo. Avec ce festival, j’ai trouvé un vrai terrain de jeu et d’expérimentation et la Princesse de Hanovre (Présidente du Printemps des arts, NDLR) encourage cela.

Vous commémorez le centenaire de la naissance de Pierre Boulez. Que reste-t-il de lui selon vous ? 

Ce qu’il représente aujourd’hui n’est pas ce qu’il laissera comme empreinte dans vingt ou cinquante ans. Il reste d’abord certaines œuvres (peut-être pas toutes), qui ont trouvé leur public et sont jouées partout comme les Notations pour orchestre, Dérive I et II (deux pièces magnifiques qui donnent leur nom à cette édition du festival), la Sonatine pour flûte, sur Incises et Le Marteau sans maître. Nous sommes encore trop proches de sa disparition pour évaluer son héritage. Demeurent aussi l’image d’un chef d’orchestre merveilleux, exigeant, polyvalent, découvreur et une personnalité perçue de façon erronée : l’homme de convictions les affirmant haut et fort, cassant, alors qu’il pouvait être d’une gentillesse extraordinaire. Sur les films pédagogiques tournés sur lui que nous allons diffuser, nous voyons l’homme très brillant, au-delà de l’intelligence, et qui parle certes de manière très tranchée. J’ai eu la chance de le côtoyer, il était charmant, très attentionné, drôle. On lui doit beaucoup, tant au niveau de la création musicale que des institutions s’inscrivant dans une forme de modernité (l’IRCAM, l’Ensemble Intercontemporain, la Philharmonie …)

Pierre Boulez a-t-il vraiment des héritiers dans la jeune génération ?

La jeune génération de trentenaires est en réaction contre lui, c’est normal. C’est bien de s’opposer et de vouloir hisser le niveau du débat esthétique, un peu inaudible en cette époque de crises multiples. Ce qui est certain c’est que Pierre Boulez a énormément d’héritiers dans la génération des compositeurs qui ont entre cinquante et soixante-dix ans. D’abord la génération d’avant la mienne, les Grisey, Manoury, Maresz, Hurel, entre nombreux autres programmés dans cette édition. Ils ont en tant que professeurs quelque peu transmis son esthétique à leurs élèves. Je suis aussi un de ses héritiers, pas pour l’écriture, mais j’ai été directeur musical de l’Ensemble Intercontemporain, j’ai travaillé à l’IRCAM (qui va venir cette année à Monaco). Pierre Boulez a même dirigé certaines de mes œuvres. Nous étions proches et je l’ai admiré dans de nombreuses circonstances, en Amérique par exemple où il était un peu différent, capable (je m’en souviens) de chercher des mécènes.

Pouvez-vous nous rappeler les idées fortes autour desquelles vous avez bâti cette édition ? 

Le public retrouvera les spectacles et concerts en forme d’hommages aux compositeurs français que Pierre Boulez admirait (Ravel, Debussy), à la Seconde École de Vienne (Schönberg, Berg, Webern), à l’Est (Stravinsky, Scriabine, Bartók), à ses amis (Ligeti, Berio, Stockhausen et les Français déjà cités), à son professeur Olivier Messiaen, à son metteur en scène fétiche (Patrice Chéreau dont nous retransmettrons la mise en scène de De la maison des morts, l’opéra de Janácek, sa troisième et dernière collaboration avec Pierre Boulez en 2007 à Aix), à son jardin secret (son goût pour la musique ancienne anglaise). Nous proposerons également un éclairage sur l’amitié qui le liait au peintre Francis Bacon. Nous avons aussi invité les formations qui lui étaient chères comme l’orchestre de la BBC (pour deux concerts dont un avec le pianiste François-Frédéric Guy). Plus de quatre-vingts œuvres seront données et le jazz n’en sera pas absent, sans oublier des masterclasses, des projections, des répétitions commentées, des visites de coulisses. Quand je compose le programme du festival, c’est encore en tant que compositeur. Pour moi, le Printemps des arts est une œuvre.

Programme complet ici http://www.printempsdesarts.mc

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