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VERDI, La Traviata – Strasbourg

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Spectacle
27 mars 2025
Amours chiennes

Note ForumOpera.com

4

Infos sur l’œuvre

Opéra en trois actes (1853)
Musique de Giuseppe Verdi
Livret de Francesco Maria Piave d’après le roman La Dame aux Camélias d’Alexandre Dumas fils
Création à Venise le 6 mars 1853

Nouvelle production.
Coproduction avec l’Opéra de Dijon. En partenariat avec le Festival de Pâques de Colmar.

Détails

Mise en scène
Amélie Niermeyer
Décors et costumes
Maria-Alice Bahra
Lumières
Tobias Löffler
Chorégraphie
Dustin Klein
Violetta Valery
Martina Russomanno
Alfredo Germont
Amitai Pati
Giorgio Germont
Vito Priante
Flora Bervoix
Bernadette Johns
Annina
Ana Escudero
Docteur Grenvil
Michał Karski
Gastone, Vicomte de Létorières
Massimo Frigato
Baron Douphol
Pierre Gennaï
Marquis d’Obigny
Carlos Reynoso
Giuseppe
Namdeuk Lee
Un domestique de Flora
Burak Karaoglanoglu
Un commissionnaire
Roman Modzelewsi

 

Artistes de complément
Annabelle Marasi
Juliette Malala Tardif
Bruno Roseau
Nicolas Umdenstock

 

Orchestre national de Mulhouse
Direction musicale
Christoph Koncz
Chœur de l’Opéra national du Rhin
Chef de Chœur
Hendrik Haas

Strasbourg, Opéra national du Rhin
Lundi 24 mars 2025, 20h

Cela commençait plutôt mal… Des solistes donnant l’impression de voix très en retrait, une fête trash qui avait tendance à virer à la vulgarité gratuite qui n’apportait pas grand-chose excepté une certaine confusion, une interprétation de l’orchestre par contraste très sage et une première partie de l’opéra où chacun semblait chercher ses marques, le constat était pour le moins mitigé. Cette soirée de Première de la Traviata dans un théâtre archicomble ne décollait pas. Pourtant, on décelait dans la mise en scène beaucoup de bonnes idées, tout comme une manière d’habiter le rôle qui forçait l’attention pour Violetta et une qualité d’ensemble mieux que satisfaisante. Et puis, après la pause, les voix se sont ouvertes, voire libérées, les choix de mise en scène ont fait pleinement sens et l’œuvre de Verdi a pu s’épanouir jusqu’à une magnifique scène finale en poignant et déchirant point d’orgue. Sans doute était-ce le trac de la prise de rôle pour la jeune Martina Russomanno qui l’a poussée à rester prudente et à ne dévoiler sa véritable personnalité musicale très forte que petit à petit, au fur et à mesure qu’elle entrait en interaction totale avec son rôle, vocalement plus qu’exigeant, sans parler de l’exigence de la mise en scène.

© Klara Beck

La metteuse en scène allemande Amélie Niermeyer fait ses débuts à l’Opéra national du Rhin avec ce spectacle déjà donné à Dijon, avec une nouvelle distribution et un certain nombre de changements (l’accordéon de la production dijonnaise a disparu, par exemple). L’accent est mis sur une transposition contemporaine des modes de prostitution et des rapports de séduction, tout en exhibant notamment des pratiques sexuelles variées telles que celles du petplay, jeux de domination et de soumission. Au cours de la fête du premier acte, dans un décor directement inspiré de la célèbre boîte de nuit le Berghain de Berlin à la réputation sulfureuse, des danseurs visiblement prêts à tous les excès endossent un masque de chien, en prennent les postures, lapent le champagne qu’on laisse couler dans leur gamelle et lèvent la patte pour uriner contre les poteaux de la discothèque d’un genre pour le moins particulier dans laquelle évolue Violetta. On a compris qu’il s’agissait là d’amours chiennes, en total contraste avec les sentiments romantiques que partagent Violetta et Alfredo au début du deuxième acte, devant un paysage qui est une toile peinte d’après un tableau du XVIIIe siècle de Richard Wilson. Les sentiments réels, purs et presque naïfs des deux amoureux ont ainsi leur pendant négatif qui correspond parfaitement à la noirceur des relations viciées d’une société sans pitié. À la laideur du premier décor succède un univers plus conventionnel qui permet de mieux se concentrer sur le déroulé des scènes et notamment sur la confrontation, très réussie, entre Germont père et Violetta. Le finale de l’acte II est très réussi, tant pour la scène des bohémiennes que celle des matadors, intelligemment chorégraphiées par Dustin Klein, avant ce qu’on ne peut que qualifier d’exécution publique de Violetta, humiliée par Alfredo qui l’arrose des billets de banque qu’il vient de gagner. La domination par l’argent et le refus de laisser à une femme son indépendance financière sont ici remarquablement bien stigmatisées. Le dernier acte est concentré dans une chambre où l’attention se focalise sur le vaste lit et un lavabo prétexte à ablutions purificatrices. L’ensemble est fort bien éclairé par les jeux de lumières de Tobias Löffler. Rien que de très classique, finalement, au-delà des excès et de la provocation apparente. La mise en scène sert le propos et les chanteurs avec efficacité. On peut ne pas forcément être fan des costumes et des décors de Maria-Alice Bahra, mais force est de s’incliner devant la correspondance de ce qui caractérise notre époque.

© Klara Beck

On retiendra de cette soirée la présence rayonnante et lumineuse de Martina Russomanno, magnifique en Violetta, tour à tour frivole et ardemment amoureuse jusqu’au sacrifice, tout en étant irrémédiablement malade et condamnée, brûlant sa vie (mais pas sa voix, on l’espère) par les deux bouts. La jeune femme possède indéniablement tous les moyens du rôle et l’on aimerait assister aux représentations suivantes pour la voir s’épanouir après cette prise de rôle à bras le corps. Voix de caractère, sens du phrasé, diction précise aux inflexions qui font se dresser l’oreille et redécouvrir l’une des héroïnes les plus emblématiques de l’histoire de l’opéra, la jeune soprano attire l’attention et impose le respect. La complexité du personnage est merveilleusement restituée par la chanteuse qui nous en donne à voir et entendre les moindres facettes. À son arrivée sur scène pour des saluts où on la sentait soulagée, le public conquis lui a réservé une ovation qui a été accueillie par des larmes au coin de l’œil qui ont achevé de faire fondre l’auditoire. Son Alfredo incarné par Amitai Pati est un vaillant compagnon qui parvient à faire honneur à sa partenaire grâce à un beau timbre et une réelle musicalité sans toutefois ce petit quelque chose en plus qu’affiche sa partenaire féminine. Mais ne faisons pas la fine bouche : le ténor venu des Îles Samoa a parfaitement su se fondre dans son rôle de mâle à l’ancienne. Il en va de même pour Vito Priante, fringuant Germont père, qui parvient à faire ressortir les zones d’ombre mais aussi toute l’humanité de son personnage. Le baryton napolitain est doté d’une voix aux harmoniques riches et au timbre séduisant qui font du trio principal de l’opéra un bel ensemble, encore magnifié par la justesse et l’implication de tous les comprimari.

À la tête de l’Orchestre national de Mulhouse depuis 2023, le jeune chef autrichien Christoph Koncz transcende cette soirée par la justesse et la précision de sa direction. Difficile de croire que ce violoniste de formation n’en est qu’à l’un de ses premiers opéras en qualité de chef. La sublime partition de Verdi lui va comme un gant. L’Orchestre national de Mulhouse sonne juste, les cuivres tout particulièrement. Les mesures s’égrènent avec une évidence confondante. Et pour couronner le tout, les Chœurs de l’Opéra national du Rhin, toujours impeccables, semblent ici avoir mangé du lion. Apparemment, ils ont adoré porter les costumes et les maquillages SM et bondage, en roue libre, dans le bon sens du terme.

Quelle soirée ! On en retiendra tout particulièrement la naissance d’une grande Violetta, en attendant de découvrir la deuxième distribution, avec la soprano Julia Muzychenko dans le rôle de Violetta…

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Opéra en trois actes (1853)
Musique de Giuseppe Verdi
Livret de Francesco Maria Piave d’après le roman La Dame aux Camélias d’Alexandre Dumas fils
Création à Venise le 6 mars 1853

Nouvelle production.
Coproduction avec l’Opéra de Dijon. En partenariat avec le Festival de Pâques de Colmar.

Détails

Mise en scène
Amélie Niermeyer
Décors et costumes
Maria-Alice Bahra
Lumières
Tobias Löffler
Chorégraphie
Dustin Klein
Violetta Valery
Martina Russomanno
Alfredo Germont
Amitai Pati
Giorgio Germont
Vito Priante
Flora Bervoix
Bernadette Johns
Annina
Ana Escudero
Docteur Grenvil
Michał Karski
Gastone, Vicomte de Létorières
Massimo Frigato
Baron Douphol
Pierre Gennaï
Marquis d’Obigny
Carlos Reynoso
Giuseppe
Namdeuk Lee
Un domestique de Flora
Burak Karaoglanoglu
Un commissionnaire
Roman Modzelewsi

 

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Juliette Malala Tardif
Bruno Roseau
Nicolas Umdenstock

 

Orchestre national de Mulhouse
Direction musicale
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Chœur de l’Opéra national du Rhin
Chef de Chœur
Hendrik Haas

Strasbourg, Opéra national du Rhin
Lundi 24 mars 2025, 20h

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