C’est dans le cadre idyllique du Palais royal de Caserte près de Naples que le Metropolitan Opera nous accueille pour le concert du 24 octobre qui réunit Diana Damrau et Joseph Calleja. Après une vue d’ensemble du palais la caméra nous entraîne à l’intérieur de l’édifice jusqu’à la somptueuse Chapelle Palatine conçue par l’architecte Luigi Vanvitelli pour Charles de Bourbon. Pouvait-on imaginer cadre plus prestigieux pour le duo du premier acte de Tosca qui ouvre la soirée ? Une page qui a permis à Diana Damrau de se mesurer pour la première fois à l’héroïne charismatique de Puccini, rôle où on ne l’attendait pas et dont elle se sort avec les honneurs. Tour à tour langoureuse, inquiète ou jalouse, minaudant juste ce qu’il faut, la soprano allemande campe une Tosca attachante et délicieusement féminine. Elle fait claquer son « È l’Attavanti ! » avec toute l’autorité voulue et lance « ma falle gli occhi neri » avec une petite voix mutine avant de quitter les lieux. Très en beauté, la cantatrice est apparue dans une robe noire, sobre et classieuse, surmontée d’une sorte de boléro noir et blanc qu’elle troquera ensuite pour une étole rouge lorsqu’elle reviendra chanter son « Vissi d’arte » dont elle livre une interprétation touchante avec une voix plus légère que celles que l’on entend habituellement dans cette page, ce qui a pour effet d’accentuer la jeunesse et la fragilité du personnage. Une future prise de rôle ? Peut-être pas dans l’immédiat, la soprano allemande ayant récemment déclaré dans une interview que le choix de « Vissi d’arte » lui paraissait approprié en ces temps difficiles pour l’art lyrique. Néanmoins ce qu’elle donne à entendre dans ces extraits ne manque pas d’allure.
A ses côtés, Joseph Calleja campe un Cavaradossi de grand luxe avec son timbre clair, sa voix opulente, l’élégance de sa ligne de chant et sa maîtrise souveraine de la nuance. Son « Floria t’amo » tout en demi-teinte est irrésistible tout comme son diminuendo impeccable sur « Le belle forme disciogliea dai veli » pendant son air du dernier acte.
Après ces trois pages, Angel Blue qui présente la soirée annonce une pause durant laquelle nous sont présentés deux extraits de La Traviata avec Damrau diffusée dans les cinémas le 16 décembre 2018, l’interview de la soprano par Anita Rachvelishvili et « Addio del passato. »
Le concert reprend avec une succession d’airs et de duos sans liens apparents, dont le seul but est de mettre en valeur les capacités vocales des deux protagonistes. Pari gagné avec le duo du premier acte de L’Elixir d’amour dans lequel nos deux complices, rompus aux exigences du bel canto, sont à leur meilleur et offrent des exemples parfaits de legato dans les parties lentes de ce morceau. Calleja livre ensuite une interprétation poignante de l’air « Ma se m’è forza perderti » qui ouvre le dernier acte du Bal masqué de Verdi, où la plénitude de son timbre chaleureux fait merveille. Puis Damrau nous offre un « Bel raggio lusinghier » de belle facture, chanté avec aisance et ornementé avec goût, au cours duquel on aura apprécié la précision de ses vocalises à partir de « Dolce pensiero ». Cette deuxième partie du concert s’achève avec deux extraits de Carmen : une « Fleur que tu m’avais jetée » captivante dans laquelle Calleja qui s’offre la coquetterie de ne pas rouler les « r », nous ravit avec un diminuendo magistral sur « Et j’étais une chose à toi », avant d’être rejoint par sa partenaire, enveloppée cette fois dans un châle bleu, pour incarner Micaëla dans le duo du premier acte « Parle-moi de ma mère », interprété avec délicatesse et une impeccable diction par les deux artistes à qui l’on aurait voulu témoigner notre reconnaissance, notre enthousiasme, mais que cette absence d’applaudissement est frustrante ! La seconde pause nous permet de voir des extraits de la Lucia que le Met a diffusée dans les cinémas en mars 2011 : l’air d’Edgardo « Tombe degli avi miei » précédé d’une brève interview du ténor maltais par Renée Fleming. Enfin, la dernière partie du concert est dédiée à un répertoire plus léger, un extrait de La Comtesse Maritza de Kálmán durant lequel Damrau qui arbore une étole aux motifs fleuris, esquisse un joli pas de danse, l’inusable « Granada » par un Calleja qui déploie généreusement l’ampleur de ses moyens et la touchante chanson de De Curtis « Non ti scordar di me », à deux voix. « Ne nous oubliez pas, n’oubliez pas l’art et les artistes » dira le ténor qui exprime ensuite sa compassion envers les membres de l’Orchestre et des Chœurs du Met désormais sans travail ainsi qu’aux familles des victimes de l’épidémie avant d’annoncer que le dernier morceau serait une prière pour un retour prochain à la normale. Alors les deux artistes, émus, livrent une interprétation retenue de l’Ave Maria de Gounod accompagnés par le pianiste napolitain Roberto Moreschi qui tout au long de la soirée aura été un partenaire sobre et discret.
Lien pour le visionnage (payant et disponible jusqu’au 6 novembre 2020)
https://metstarslive.brightcove-services.com/events/6168652598001
Vidéo promotionnelle du concert :