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STRAUSS, Le Bourgeois gentilhomme — Martina Franca

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Spectacle
5 août 2020
La prime à l’orchestre

Note ForumOpera.com

2

Infos sur l’œuvre

Musique de scène, op. 60 de Richard Strauss (Berlin, 1918)

pour la comédie-ballet de Molière élaborée par Hugo von Hoffmansthal (version de 1917)

Editeur : Fürstner Musikverlag Gmbh

Nouvelle version rythmique en italien de Quirino Principe et Valeria Zaurino

Avec trois interventions de Stefano Massimi ( le 1août elles seront seront assurées par Davide Gasparro)

Détails

Mise en espace

Davide Gasparro

Mouvements scéniques

Fabrizio Di Franco en collaboration avec la Fondation Nationale de la Danse / Aterballetto

Lumières

Pietro Locicero

Monsieur Jourdain

Vitorio Prato

Berger

Ana Victoria Pitts

Bergère

Barbara Massaro

Invités turcs

Manuel Amati, Nico Franchini, Vassily Solodkyy, Alfonso Zambuto, Alberto Comes, Eugenio di Lieto, Djokic Strahinja

Danseurs

Fabrizio Di Franco, Matilde Gherardi

Orchestre du Théâtre Petruzzelli de Bari

Direction musicale

Michele Spotti

Martina Franca, cour du Palais Ducal, samedi 1 août 2020 à 21 heures

Le Chevalier à la Rose était en quelque sorte le constat de la fin d’une société, avec la disparition inéluctable des valeurs aristocratiques qui l’avaient justifiée. Mais l’œuvre n’avait pas épuisé le sujet, qui tenait à cœur à Hugo von Hofmannsthal, et il proposa à Richard Strauss de le reprendre en adaptant la comédie-ballet de Molière Le Bourgeois gentilhomme. Loin d’une évocation nostalgique du « grand siècle » ce serait l’occasion d’une création originale : le grand dîner offert par Monsieur Jourdain à la marquise dont « les beaux yeux (le) font mourir d’amour » serait remplacé par une création musicale. Cela permettrait un effectif réduit, un orchestre à la taille d’une demeure privée. Or quoi de plus fastueux qu’une représentation privée du nouveau genre à la mode, l’opéra ? Le thème serait donc mythologique, c’est le sujet « noble » par excellence. Monsieur Jourdain fait la moue : il voudrait bien y voir des comiques italiens, ils l’amusent. Ainsi voit le jour en 1912 au théâtre de Cour de Stuttgart, cette œuvre expérimentale où le désespoir d’une princesse abandonnée voisine avec les facéties de saltimbanques. La froideur du public montre clairement que la greffe n’a pas pris. De cet insuccès que confirmeront d’autres représentations naîtront une suite pour orchestre et une version revue et corrigée qui est l’œuvre que nous connaissons comme Ariadne auf Naxos.

La pandémie compliquant beaucoup les productions musicales, du fait des contraintes liées aux précautions sanitaires, l’effectif de 37 musiciens a peut-être été déterminant dans le choix de la direction du festival de Martina Franca de proposer la musique de scène sauvegardée et complétée par Richard Strauss en 1917. Trois personnages solistes, le berger et la bergère rescapés de la pastorale destinée au divertissement des invités pendant le dîner, et Monsieur Jourdain réduit à une chansonnette qui aurait plu à Bartolo. Un chœur d’hommes représente la suite du pseudo-fils du Grand Turc dans la cérémonie d’intronisation de Monsieur Jourdain comme Mamamouchi. Comment intéresser le spectateur sans les fastes d’une mise en scène ? La mise en espace de Davide Gasparro s’y ingénie, à partir d’un agencement où des tribunes à l’arrière de la scène créent des plans superposés et permettent allées et venues pour animer la représentation en tenant compte le plus souvent des mesures de distanciation. On imagine la somme de travail et de discipline qu’il a fallu pour atteindre ce résultat. La suite d’orchestre se composant de numéros, à partir de la leçon de danse une ballerine, Metilde Gherardi, puis un danseur, Fabrizio Di Franco, font leur apparition, ce dernier mimant une leçon d’escrime avec justesse et conviction. Plus tard, est-on dans l’erreur en le voyant prendre des poses de L’après-midi d’un faune ? Leurs interventions récurrentes contribueront vraiment beaucoup à donner vie à la scène. A base de mouvements indépendants ou en miroir très bien synchronisés, la chorégraphie inventive épouse les rythmes musicaux et anime l’espace bien mieux, pour notre goût, que les courses aux quatre coins ressassées avec les pupitres et les chaises. 


Les Pseudo-Turcs en ambassade chez Jourdain © clarissa lapolla

Dans la difficile mise au point de la construction de l’œuvre entre le librettiste et le compositeur, dans la version de 1912 une brève intervention de Monsieur Jourdain devait servir de transition entre le théâtre et l’opéra. Est-ce ce qui a autorisé Stefano Massini  à assaisonner l’ouvrage de trois longues interventions qui sont ce soir lues par Davide Gasparro ? On sait depuis l’Antiquité que le théâtre n’est pas né pour être un simple divertissement, et Molière reprenait à son compte cette leçon en désirant « instruire et plaire ». Mais pour lui c’est le spectacle qui devait fournir matière à réflexion, et quand un personnage soutenait une thèse il en était un autre pour le contredire, de façon que si cet échange avait pour fin l’édification du spectateur, c’était à ce dernier qu’il revenait d’en tirer la leçon. Rien de tel dans la proposition de Stefano Massini qui nous inflige trois longs monologues destinés à stigmatiser les riches au nom de la défense des artistes et de leur utilité sociale, particulièrement à l’épreuve avec la crise du covid-19. Pour autant qu’on souscrive à la cause, ni le moyen ni le contexte ne nous ont semblé appropriés. Certes Richard Strauss déplorait déjà l’influence des marchands, mais il ne blâmait que le mauvais usage de la richesse. L’inventivité de son oeuvre ne suffisait-elle pas, sans l’alourdir de ces exposés idéologiques ?

Que retiendrons-nous de cette représentation, plutôt frustrante compte tenu de la menue part dévolue au chant ? L’agrément pris aux interventions de la bergère et du berger, respectivement Barbara Massaro et Ana Victoria Pitts, la parfaite tenue du chœur dans la cérémonie turque, et l’autorité de la voix sonore de Vittorio Prato en mufti chargé de vérifier les qualités de l’impétrant à la dignité de mamamouchi alors qu’il incarne jusque-là un Monsieur Jourdain dont la passion pour la noblesse semble aller jusqu’au fétichisme, avec sa collection de costumes de cour. Surtout, évidemment, la séduction d’une partition où les mouvements alternent citations de la musique de Lulli et création de Richard Strauss, où se mêlent échos du Chevalier à la Rose, anticipations sur Ariadne auf Naxos et maintes mini-citations que les musicologues ont repérées, de Wagner à Strauss lui-même. On peut affirmer sans risques que cette partition ne fait pas partie du répertoire des musiciens de l’orchestre du Petruzzelli de Bari. On n’en est que plus heureux de constater qu’ils savent atteindre le léger, le brillant, le séducteur qui se succèdent ou s’allient dans la pâte straussienne. Le courant semble toujours passer très fort entre eux et Michele Spotti, dont la direction très précise reste aussi lyrique que possible. Ils recueillent la plus large part des applaudissements généreux qui saluent le spectacle, et c’est bien ainsi.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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