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PORPORA, Orfeo — Martina Franca

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Spectacle
2 août 2019
Un pasticcio n’est pas un pastiche !

Note ForumOpera.com

3

Infos sur l’œuvre

Dramma per musica en trois actes (Londres, 1736)

A la musique de Porpora sont intégrés des airs de Johan Adolf Hasse, Leonardo Vinci, Francesco Araja, Francesco Maria Veracini et Geminiano Giacomelli)

Livret de Paolo Rolli

Edition critique établie par Giovanni Andrea Sechi

Détails

Première représentation des temps modernes

Nouvelle production

Mise en scène, décors, costumes et lumières

Massimo Gasparon

Orfeo

Raffaele Pe

Aristeo

Rodrigo Sosa Dal Pozzo

Plutone

Davide Giangregorio

Euridice

Anna Maria Sarra

Autonoe

Federica Carnevale

Proserpina

Giuseppina Bridelli

Quatuor vocal

Donatella De Luca, Arianna Manganiello, Dario Pometti, Alberto Comes, de l’Académie de Belcanto « Rodolfo Celletti »

Orchestre Armonia Atenea

Directeur musical

George Petrou

Martina Franca, Cour du Palais Ducal, 2 août 2019 à 21h

En devenant « pastiche » en français, le mot pasticcio s’est chargé d’une signification péjorative dont à l’origine l’italien est dépourvu. A l’opéra, il qualifie le résultat de l’assemblage sur un livret nouveau d’airs connus d’auteurs divers, reliés par des airs et une musique nouvelle de l’initiateur de cette réunion. Au XVIIIe siècle le genre est populaire en Angleterre où Haendel lui-même en fait représenter plusieurs et permet ainsi au public londonien de découvrir de jeunes musiciens italiens, surtout napolitains. Il ne pouvait prévoir qu’ainsi il préparait le terrain à Porpora, dont l’arrivée à Londres et le succès de son Ariana in Nasso en 1733 allait nourrir la rivalité entre l’Académie Royale de musique dirigée par Haendel et l’opéra de la Noblesse qui patronne Porpora.

Entre ces deux temples de l’opéra italien, le duel deviendra constant pour attirer les plus grands chanteurs. En 1736 Porpora a l’avantage car il peut réunir deux des castrats virtuoses les plus réputés : Francesco Bernardino, dit le Senesino, et surtout celui qui fut son élève à Naples, Carlo Broschi, dit Farinelli. Est-ce le mariage prochain du Prince de Galles, protecteur de l’opéra de la Noblesse, qui dicte le choix du sujet ? Ce sera Orphée, dans sa version heureuse, celle où la sincérité de l’amour est la clé du bonheur durable dans le mariage. Il n’en est pas moins piquant de relever que la dédicataire de l’œuvre était la maîtresse du futur marié.


Federica Carnevale (Autonoe) et Rodrigo Sosa Dal Pozzo (Aristeo) © clarissa lapolla

Longtemps l’origine des pièces rassemblées n’a été connue que partiellement. Grâce à la révélation récente d’un manuscrit dans une collection suisse, Giovanni Andrea Secchi a pu compléter la liste des attributions et établir l’édition critique à l’origine de cette représentation. On découvre ainsi dans l’article où il résume ses recherches que si Hasse et Veracini voisinent avec Araja et Giacomelli, Porpora est l’auteur de près des deux tiers des airs. Comment étaient choisis les éléments de ce puzzle ? G.A. Secchi explique qu’une sélection rigoureuse était exercée. Si les interprètes proposaient des airs de bravoure de leur répertoire, encore fallait-il qu’ils puissent s’adapter à un nouveau contexte dramatique, et l’étude stylistique permet de repérer les interventions de Porpora destinées à intégrer les airs de ses confrères dans la cohérence musicale requise par le livret.

Voici donc cette œuvre dans la cour du palais ducal de Martina Franca pour une représentation unique qui a attiré des mélomanes du monde entier. A Londres le rôle d’Orfeo était dévolu à Farinelli, tandis qu’il revenait à son aîné Senesino d’incarner son rival auprès d’Eurydice. Pour G.A. Secchi le rôle d’Orphée fut un rôle-clé dans la carrière et dans la vie de Farinelli. Il en veut pour preuve le tableau de 1755 où le chanteur pose avec les souverains espagnols au service exclusif desquels il exerce son art. A ses pieds une partition ouverte sur l’air d’Orfeo « Son pastorello amante e sfortunato ». Comme est précieux ce travail des spécialistes qui diffusent ainsi leurs connaissances et enrichissent les nôtres ! Cependant, cela n’est pas sans danger : peut-on éviter, quand on sait que l’œuvre a été créée par les plus grands chanteurs de l’époque, que notre pensée vagabonde vers nos interprètes d’élection ?

Non que les interprètes réunis à Martina Franca déméritent, loin de là ! Mais quand on devrait être ébahi par les performances, une agilité phénoménale, une extension prodigieuse, on admire simplement une bonne technique, on perçoit les intentions justes, on apprécie l’engagement et la sensibilité, mais on ne peut pas ne pas remarquer la projection et l’amplitude limitées, les prises d’air, les notes détimbrées, qui, pour être rarissimes, sont autant de freins à l’enthousiasme. A la décharge des chanteurs, donner cette première moderne en plein air n’était pas forcément le meilleur service à leur rendre, et la représentation étant unique ils devaient éprouver une tension particulièrement sévère. Enfin, hormis les scories signalées par souci de précision, l’essentiel de l’exécution donne une image satisfaisante de l’œuvre.

George Petrou et l’orchestre Armonia Atenea y sont pour beaucoup. Les musiciens par le raffinement de leur exécution, d’une précision et d’une subtilité sonore dont l’expressivité ne met jamais en difficulté les voix, pour lesquelles la musique constitue une gaine soyeuse ou un écrin précieux. Le chef par les indications qu’une main gauche diserte envoie tant à la scène qu’à l’orchestre et par le respect ascétique du style, aux antipodes de certaines lectures narcissiques. Il sera d’ailleurs acclamé aux saluts.

L’œuvre met d’abord en scène le couple Pluton et Proserpina ; résultat d’un enlèvement, leur union est néanmoins harmonieuse car, chantent-ils, le lien du mariage n’est pas une chaîne et respecter la liberté de l’autre constitue la preuve du véritable amour. Les chanteurs sont heureusement assortis dans leurs performances, qu’il s’agisse de la voix grave de Davide Giangregorio ou de l’agile et bien posée soprano de Giuseppina Bridelli. On découvre ensuite, dans le livret signé Paolo Rolli, Eurydice en compagnie de son amie Autonoe. Celle-ci a donné son amour à Aristeo, mais il la dédaigne et poursuit Eurydice de ses assiduités. Le voici qui avance en compagnie d’Orfeo, et ils courtisent Eurydice, Aristeo vantant ses richesses, Orfeo n’ayant à offrir que la douceur de sa musique et de sa voix. Elle les renvoie tous deux et Aristeo dit regretter de s’être engagé auprès d’Autonoe. Celle-ci, qui a tout entendu, lui adresse des reproches méprisants auxquels il réplique en vantant la diversité de la nature : est-il coupable si une étoile pâlit auprès du soleil ? 

Le livret va donc mettre en concurrence les deux soupirants ; la douceur de l’amour d’Orfeo touche Eurydice, mais sera-t-il constant ? C’est l’enjeu de la joute entre les deux garçons, lutte que la sincérité d’Orfeo lui permet de remporter et il épouse Eurydice. Aristeo qui n’accepte pas sa défaite, essaie d’enlever la belle. Dans sa fuite elle est piquée par un serpent. La suite est connue : Orfeo parvient aux Enfers, et plaide sa cause folle, que Pluton repousse d’abord car elle contrevient aux lois de l’univers. Mais puisqu’il sait ce qu’est le véritable amour, il va accorder l’impossible et Proserpine rend la vie à Eurydice. Aristeo lui-même rendra hommage à sa vertu et instruit par l’exemple retourne à Autonoe. Interprétée par Federica Carnevale, ce personnage de l’amante dédaignée prend un beau relief grâce à une interprétation scénique vivante et une voix de mezzosoprano homogène et bien menée, au souffle bien contrôlé et des agilités satisfaisantes. Son amoureux infidèle a la prestance de Rodrigo Sosa Dal Pozzo, contreténor sans faille notable qui exprime bien la frivolité et la fatuité d’un jouisseur qui se croit irrésistible. La voix est sonore, bien projetée et convenablement agile.

La beauté blonde qui a chassé de son cœur la brune – le respect des indications du texte est devenu assez rare pour qu’on le souligne – autrement dit Eurydice, trouve en Anna Maria Sarra une interprète séduisante mais dont la voix, en plein air, semble petite et dont les prouesses techniques, qui sont correctement exécutées, manquent de ce rien de facilité qui donnerait le frisson. Il en est un peu de même de son Orfeo ; non que la voix de Raffaele Pe soit petite, mais dans ce rôle très long qu’il veut servir de son mieux il atteint parfois ses limites de façon perceptible. Cela ne discrédite pas une prestation très honorable, où la douceur de la voix et l’expressivité du chant participent à une composition scénique convaincante. Dans leurs interventions les membres de l’Académie de Belcanto constituent un quatuor très homogène malgré des individualités bien marquées.

Artisan de la réussite visuelle, Massimo Gasparon présente un décor en trois parties ; celle du centre est la scène principale où une estrade surélevée par plusieurs degrés accueille le trône de  Pluton et Proserpine, avant de devenir le tertre où l’on porte Eurydice expirante, et à nouveau les Enfers où Orfeo comparaît . Les deux scènes latérales permettent des accès à tout l’espace scénique et en particulier à l’avant-scène dont la longueur est doublée par le praticable qui court devant l’orchestre. Ainsi étendu le domaine d’intervention des interprètes permet de les faire passer au plus près des spectateurs. Le vent qui traverse la cour du palais ducal gonfle les manteaux flottants et agite les cimiers de plumes ; les brocards et les damas scintillent sous les lumières, dans des camaïeux de couleur qui constituent les couples. En guerrier bling-bling Aristeo porte un poitrail d’armure doré et sa jupe a l’ostentation des costumes masculins de l’opéra de l’époque. On sait depuis longtemps que Massimo Gasparon maîtrise les codes de l’esthétique baroque pour les avoir appris avec un maître en la matière, Pier Luigi Pizzi, qui suit d’un œil approbateur le spectacle. Les avis personnels seront nuancés, mais l’accueil du public est d’une chaleur bien faite pour récompenser les artistes et ratifier le choix de la direction artistique.

 

 

 

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