Ce concert serait-il l’annonce d’un retour d’Ildar Abdrazakov à Pesaro ? Au vu de l’accueil enthousiaste du public, il est en tout cas bienvenu en terre rossinienne, lui qui n’a pas chanté au Festival Rossini depuis près de quinze ans.
Le plaisir semble partagé par le chanteur, rayonnant et détendu, qui présente avec ce programme (qui réserve une place plutôt congrue au maître des lieux, avec une scène de Semiramide et, en bis, la « Calunnia » extraite du Barbier de Séville) un aperçu de son répertoire actuel .
L’extrait de Semiramide, qu’il a chanté in loco en 2003 (avec Kunde, Takova et Barcellona), démontre que la basse russe n’a pas oublié ses gammes rossiniennes : la longue scène d’Assur rend parfaitement les hallucinations du prince félon et vocalement, la souplesse et les éclats requis ne lui posent aucun problème. Le Rossini bouffe ne lui est pour autant pas étranger au vu d’une « Calunnia » insidieuse à souhait : Le chanteur prend un plaisir visible à jouer des dynamiques, du murmure au fortissimo, à contrefaire sa voix, bien soutenu par Ivan Lopez-Reynoso, qui assure le crescendo irrésistible. On sent d’ailleurs l’interprète en pleine confiance avec le chef mexicain, très attentif, qui sait retranscrire, à la tête d’une Filarmonica Gioachino Rossini en grande forme, toute la fougue du jeune Verdi et de Rossini. On est un peu moins séduit par Mozart, dont il offre une ouverture de Cosi fan tutte un peu précipitée.
Ildar Abdrazakov © Studio Amati Bacciardi
Dans Don Giovanni, justement, Ildar Abdrazakov prouve également sa versatilité, passant sans effort du valet au maître : son Leporello est hâbleur à souhait et la sérénade de Don Giovanni, suave, avec un couplet chanté mezza voce, ferait fondre le cœur le plus endurci.
Mais c’est dans les Verdi de jeunesse que ressortent le mieux les qualités vocales de la basse russe : longueur de souffle, galbe parfait des phrases, puissance tellurique, on ne voit pas qui pourrait actuellement rivaliser dans Attila ou en Silva dans Ernani, que ce soit dans les scènes ou les cabalettes. Son Philippe II, parfaitement caractérisé, augure également du meilleur pour le Don Carlos événement de la rentrée à l’Opéra de Paris, avec Jonas Kaufmann et Sonya Yoncheva.