« Bon Dieu. La voilà terminée cette pauvre petite messe. Est-ce bien de la musique sacrée que je viens de faire ou de la sacrée musique ? J’étais né pour l’opera buffa, tu le sais bien ! Peu de science, un peu de cœur, tout est là. Sois donc béni et accorde moi le Paradis. » C’est ainsi que Rossini présente cette Messe solennelle qu’il qualifie lui-même de « dernier péché mortel de ma vieillesse ». Composée en 1863 pour la chapelle privée du comte Alexis Pillet-Will dans une version avec piano et harmonium qui lui a valu son qualificatif de « petite », elle ne fut orchestrée par Rossini que quatre ans plus tard. C’est la première version, considérée aujourd’hui comme la plus conforme à l’esprit du compositeur, qui est donnée ce soir, mais avec un accordéon à la place de l’harmonium.
D’aucuns se plaisent à souligner que c’est Rossini lui-même qui avait envisagé cet instrument, mais son répertoire plus populaire que classique l’avait écarté d’une œuvre religieuse destinée surtout à être jouée dans les églises. Et c’est peut-être de là que vient ce soir la seule petite déception : malgré les grandes qualités de l’interprète, Elodie Soulard, le côté « continuo » est manquant car on n’entend que faiblement l’accordéon dans la grande salle de Massy – sauf dans les rares moments où il joue seul ou souligne un trait vocal –, et qui plus est à côté du somptueux Steinway qui jette tous ses feux sous les doigts généreux et mordants de Guillaume Vincent. Peut-être l’effet eut été différent avec un piano-forte, et sans doute un enregistrement permettrait-il de rééquilibrer la puissance relative des deux instruments ; mais restera toujours le son un peu aigrelet voire nasillard de l’accordéon qui n’est pas dans nos oreilles en musique « classique », encore qu’il est bon de se souvenir qu’Yvette Horner enregistra Bach chez Erato…
Cela précisé, le reste de la démonstration est éblouissant. Sous la direction nerveuse et précise de Mathieu Romano, l’ensemble vocal Aedes (24 choristes) déploie de multiples qualités qui sont l’évidence dès le O salutaris hostia a capella, suivi en introduction à la messe de Cantemus domino et Ave maria : clarté des voix et des pupitres, articulation parfaite, ensembles impeccables, bref une prestation au plus haut niveau. Quant aux solistes, on ne sait ce que l’on doit le plus admirer, de l’équilibre des ensembles ou des prestations individuelles. Sans jamais se mettre en avant, chacun vit la partition tout en se fondant dans l’ensemble musical, et il convient de souligner que les quatre voix sont parfaitement assorties.
On ne peut qu’être subjugué par la voix rare d’Eve-Maud Hubeaux (mezzo), qui arrive à alléger parfaitement dans les ensembles, tout en traduisant une grande émotion dans les parties forte, notamment dans un éblouissant Agnus Dei. Raquel Camarinha (soprano) allie charme et musicalité qui font notamment merveille dans les partie solistes (Crucifixus et O salutaris Hostia), mais également dans le duo avec la mezzo (Qui tollis). Mathias Vidal a le mordant, la musicalité et le phrasé parfaitement adaptés à cette œuvre, varie avec subtilité les couleurs de sa voix entre forte et pianissimi, et nous offre un très beau Domine Deus. Un tout petit bémol pour Victor Sicard, qui manque un peu de puissance et de legato.
Prochaine exécution de la Petite messe solennelle : le 18 juillet à l’Abbaye aux Dames de Saintes dans le cadre du Festival de Saintes, avec deux modifications de distribution : Amaya Dominguez (alto) et Reinoud Van Mechelen (ténor).