Pâques approche et Dijon achève sa Bachfest par trois célèbres cantates. Toutes composées à Leipzig, elles ont en commun de faire appel à un instrument concertant, et de se passer de chœur : « Jauchzet Gott in allen Landen » où la trompette et la soprano rivalisent de virtuosité, au service d’une expression rayonnante ; « Ich habe genug », appel à une mort libératrice, entrelace le hautbois et la ligne de la basse, et « Liebster Jesu, mein Verlangen », où les deux chanteurs sont réunis dans un dialogue qui restaure la confiance. Une parenthèse bienvenue nous est donnée avec la sonate pour violon et basse continue BWV 1021, avant la dernière cantate au programme. A signaler le bis jubilatoire, réunissant tous les interprètes : les deux premiers numéros de la célèbre Bauernkantate BWV 212 « Mer hahn en neue Oberkeet ».
Animé par Céline Frisch, au positif, et Pablo Valetti, au premier violon, Café Zimmermann est dans son élément. Avec un musicien par partie, l’équilibre est idéal, la lisibilité parfaite. Quant à la dynamique et aux phrasés c’est une belle leçon qui nous est donnée. La trompette naturelle de Hannes Rux – agile, souple et claire sans jamais tourner à la démonstration – le hautbois fruité, sensible, délicat et chaleureux d’Emmanuel Laporte nous ravissent. Bien que les œuvres soient manifestement concertantes, ils se fondent parfaitement avec les cordes et le continuo.
Sophie Karthäuser, souffrante, est remplacée par Hélène Le Corre, sauvant ainsi la tournée qui doit s’achever au Festival de Pâques d’Aix-en-Provence. La voix est agile, les phrasés sont remarquables ainsi que l’agilité (l’Alleluia de la cantate 51). Si les aigus sont bien projetés, avec naturel, servis par un timbre séduisant, le medium est parfois en-deçà. Hélène Le Corre est bien un soprano léger, malgré ses efforts. Ainsi remarquons le déséquilibre passager, vite corrigé, du premier duo avec un Christian Immler, impérial (« Nun verschwinden alle Plagen », de la cantate 32). Celui-ci est au meilleur de sa forme. L’intensité de son chant, d’une gravité sensible et claire à la fois, sa longueur de souffle, son intelligence d’un texte toujours compréhensible nous bouleversent. « Ich habe genug », très contenu, mais toujours vivant, d’une expression naturelle, atteint un sommet. L’aria « Schlummert ein », un des plus poignants qu’ait écrit Bach, est merveilleusement servi par l’ensemble, le continuo en particulier. Pour finir, « Ich freue mich auf meinen Tod » est splendide. A-t-on mieux illustré l’espérance d’une mort confiante en une vie meilleure ? Vienne vite un enregistrement fixer ce moment exceptionnel !