Nous y allions, avouons-le, pour Julie Fuchs. Elle fut bien, et même très bien. Un air de Suzanne dans Les Noces et le « Ah se in ciel benigne stelle » (KV 538) la qualifient résolument pour le répertoire mozartien. Elle en a la netteté et le rayonnement. En bis, « Alma grande e nobil cor » (K 578) et l’air de Barberine confirment amplement ce répertoire. La voix ici rappelle la vibration prude de Lucia Popp ou de la beaucoup trop oubliée Edith Mathis. Voilà, pense-t-on, qui nous vaudra un Pâtre idéal. Las, Julie Fuchs nous comble pour ce qui est du son et de la ligne ; et nous frustre atrocement de toute consonne : or la consonne allemande n’est pas seulement l’armature du sens, elle est aussi sa substance et son parfum, d’autant que les allitérations ici sont une clef poétique. De là quelque chose d’inabouti dont on espère que l’Opéra studio de Zurich la guérira promptement – sans quoi c’est tout un pan de son répertoire le plus naturel qui lui restera fermé. Ce très léger bémol a trouvé une large compensation dans la performance du Paris Mozart Orchestra dirigé par Claire Gibault. Dans la « Paris » de Mozart comme dans la 5ème de Schubert, on est frappé par la clarté de la texture et la fluidité de la lecture ; les pupitres se répondent sans jamais perdre leur sonorité propre ; c’est là un orchestre plein de saveur et de couleurs. Il y a là une alacrité et une précision réjouissantes. Claire Gibault dirige cela avec une parfaite économie de moyens, et ses jeunes musiciens répondent avec enthousiasme. Le Paris Mozart Orchestra a une vocation sociale (partenariats avec des rectorats, concerts dans les prisons…) mais attire des jeunes musiciens de premier plan – on reconnaît ainsi Eric Lecrouts, Arnaud Thorette ou Laurène Durantel… La clarinettiste Romy Bischoff en fait partie, avec une exécution exemplaire du « Pâtre ».