Dès la fin de ses études musicales, Puccini a l’opportunité de composer son premier opéra, Le Villi, grâce à Ponchielli, son professeur au Conservatoire de Milan, qui l’encourage à se présenter au concours d’opéras en un acte organisé par l’éditeur Sonzogno et le met en relation avec le poète Ferdinando Fontana pour le livret. Le choix des deux hommes se porte sur une nouvelle de Jean-Baptiste Alphonse Karr, Les Willis, tirée d’une légende germanique qui avait déjà inspiré à Adolphe Adam son ballet Giselle. L’ouvrage est refusé par le jury du concours, mais avec l’aide de son maître, Puccini, parvient à le faire représenter avec succès au Teatro dal Verme à Milan, puis quelques mois plus tard à Turin, dans sa version définitive en deux actes.
Le premier acte se situe dans la Forêt-Noire où des villageois célèbrent les fiançailles d’Anna, fille du garde forestier et de Roberto. Celui-ci doit partir pour Mayence afin d’y recevoir un héritage. Là, il succombe au charme d’une courtisane et oublie sa fiancée qui meurt de chagrin. Aux deuxème acte, Roberto, pris de remords, revient dans son village mais en traversant la forêt il rencontre les Willis, parmi lesquelles se trouve Anna, assoiffée de vengeance. Elles vont l’entraîner dans une danse effrénée à la fin de laquelle Roberto tombera mort aux pieds du fantôme de sa fiancée.
La première partie du concert est consacrée à des pages d’opéras contemporains de l’oeuvre de Puccini qui mettent en évidence les limites vocales d’une partie des solistes. C’est Àngel Òdena qui ouvre la soirée avec un prologue de Pagliacci tout à fait satisfaisant. Le baryton espagnol, dont ce sont les débuts à Paris, dispose d’une voix ample et solide, égale sur toute la tessiture et d’un timbre sombre qui lui permet de camper avec bonheur Guglielmo, le père d’Anna. Son air du deuxième acte « No, possibil non é » où le personnage exprime sa douleur d’avoir perdu sa fille et son désir de vengeance est particulièrement convaincant.
Autres débuts à Paris, ceux de Thiago Arancam, lauréat du concours Opéralia en 2008, que les Lyonnais ont pu entendre dans le rôle de Luigi du Tabarro en 2012. Ce ténor italo-brésilien ne manque pas d’atouts: doté d’un physique de jeune premier, le sourire ravageur, il charme sans peine l’auditoire dès son entrée en scène. Le timbre clair ne manque pas de séduction mais la voix paraît engorgée par moment et semble dépassée par la tessiture de l’air de Paillasse qui contraint le chanteur à forcer ses moyens. L’air de Turridu le montre un peu plus à son aise mais la ligne de chant est malmenée et le legato aux abonnés absents. Sans doute, ce jeune artiste aborde-t-il prématurément ces pages qui réclament des moyens de ténor dramatique, ce qu’il n’est visiblement pas ou du moins pas encore. Le rôle de Roberto dans Le Villi semble plus adapté à ses possibilités actuelles, il parvient même à être touchant dans son air du deux, « Ecco la casa ».
Ermonela Jaho, en revanche, est bien connue du public du Théâtre des Champs-Élysées où elle interprétait en début de saison le rôle de Julia dans La Vestale. Cueillie à froid dans « L’altra notte in fondo al mare », la cantatrice est à la peine, l’aigu paraît tendu et le trille passe à la trappe. En revanche l’air d’Adrienne Lecouvreur, la montre plus à son avantage, le legato est impeccable et les jolies nuances dont elle orne son chant contribuent à l’émotion qu’elle parvient à susciter. Enfin, dans l’opéra de Puccini la soprano albanaise tire son épingle du jeu avec brio: jeune fille amoureuse au premier acte, femme trahie, assoiffée de vengeance au second, son interprétation n’appelle aucune réserve.
Il convient de mentionner les interventions tout à fait en situation du récitant de Marcello Scuderi. Belle prestation également du Choeur de Radio France, villageois débonnaires au premier acte des Villi et fantômes inquiétants au second.
A la tête de l’orchestre National de France, Luciano Accocella dirige l’ensemble du concert avec élégance et fait preuve dans l’opéra de Puccini d’un sens aigu du théâtre.