Le Festspielhaus de Baden-Baden proposait samedi soir un récital de Patricia Petibon, devant un public malheureusement clairsemé. Les absents ont eu tort, car la soprano interprétait des airs rares, légèrement différents de ceux qu’on peut trouver sur son dernier disque. Belle prestation pour la cantatrice rousse et incendiaire bien qu’ici singulièrement canalisée, jusque dans son apparence : cheveux sagement tressés dans une natte serrée, avec une robe longue façon bure ; la tigresse est arrivée toute sage, fausse jeune fille rangée, félin timide à la manière de la Colette du temps de Claudine.
La majeure partie du récital reste étonnamment sobre. La voix, belle et maîtrisée, semble contenue jusqu’à la frustration pour l’auditeur, privé de décibels et de cette folie jouissive qui est la marque de fabrique de Petibon. La diction, quant à elle, perd de sa clarté et on souhaiterait davantage de lisibilité pour des textes certes en espagnol ou en ancien français, mais dont le mot reste indistinctement dessiné.
L’ensemble est néanmoins plaisant et le répertoire interprété avec élégance par la Cetra Barockorchester Basel, une formation dynamique et raffinée dont on notera l’intonation parfaite. Particulièrement notable : Joël Grare aux percussions, s’en donne à cœur joie, vif et facétieux, sonore et singulièrement moderne. Alors qu’il pourrait n’être qu’un accompagnateur appliqué, il tire son épingle du jeu, toujours prêt à amuser le public notamment par ses apparitions en loup derrière le bouquet de fleurs, devenu forêt pour l’occasion, ou autres pitreries.
Accoudée sur l’officiant au continuo, Patricia Petibon se laisse voler la vedette avec bienveillance. Le lamento expressif de la reine dans Dido and Aeneas lui rend la première place. On attend avec impatience son interprétation de l’air de la Folie de Platée, dans lequel Mireille Delunsch avait réussi des miracles de drôlerie. Notre soprano n’a pas de robe en partitions à effeuiller, mais porte un chapeau claque ainsi que de petites et épaisses lunettes rondes qui soulignent sa ressemblance avec le Chapelier toqué. Elle en profite pour glapir et musarder, se livrant aux vocalises les plus délirantes, avec un brio à couper le souffle. Tout au long du programme, elle utilise des accessoires, dont une peluche de renard qu’elle envoie allègrement valdinguer. On a pris l’habitude de cette panoplie, qui peut potentiellement agacer (voir par exemple le compte rendu de Laurent Bury). Il lui arrive aussi de chanter assise, comme pour « Greensleeves », avec une virtuosité calme et recueillie, de nouveau muselée. On avoue préférer la petite renarde rusée et déchaînée.