Une fois de plus, maugréeront certains, le festival des Arènes de Vérone ressort des placards une vieille production avec ce Nabucco qui date de plus de vingt ans, et qui déjà à l’époque paraissait un peu démodé. Pourtant, le décor énorme de Rinaldo Olivieri, qui rappelle la plus grande période des Arènes, présente beaucoup d’avantages : il est bien en situation (au premier degré), s’intègre parfaitement à l’amphithéâtre, occupe merveilleusement bien l’espace, et surtout offre de grandes surfaces propres à renvoyer correctement les voix vers les spectateurs. Mais quand, de plus, l’art du théâtre de Gianfranco de Bosio l’anime d’une direction d’acteurs et de déplacements de foules dignes d’un péplum, sous de beaux éclairages, c’est Hollywood sur scène, un véritable régal.
Ambrogio Maestri chante depuis une douzaine d’années le rôle de Nabucco, qu’il alterne essentiellement avec ceux de Falstaff (récemment à Paris-Bastille) et d’Amonaro (qu’il chantait hier encore dans les arènes lors de la première d’Aïda). Au fil des années, il a considérablement muri son interprétation, et campe ce soir un Nabucco msagistral, particulièrement fouillé, pétri de ses contradictions, avant qu’il ne reprenne le contrôle de la situation. Maestri est bien au sommet de son art : sa haute stature, son volume vocal et son autorité font merveille dans ce rôle où il ne néglige pas pour autant le côté humain du personnage, sans jamais le rendre outré ni forcé. À ses côtés, la jeune Ukrainienne Tatiana Melnychenko est une exceptionnelle Abigaille, puissante et d’une grande égalité dans tous les registres, mais en même temps souple et musicale : autant dire que rares sont les cantatrices actuelles à réussir comme elle à restituer toutes les inflexions du rôle, des imprécations aux notes allégées. Anna Malavasi chante également pour la première fois à Vérone ; elle apporte au rôle de Fenena, habituellement plutôt secondaire, un art scénique très convaincant, servi par un chant ample et un timbre corsé. Ismaele de luxe, Stefano Secco rend justice à un rôle souvent un peu sacrifié. Enfin, le vétéran Carlo Colombara complète cette belle distribution en interprétant un Zaccaria particulièrement présent et crédible.
Le chef bulgare Julian Kovatchev, habitué de Vérone, mène le spectacle avec autant de rigueur que de précision, notamment en ce qui concerne les chœurs (le « Va pensiero », longuement applaudi, est bissé selon l’habitude véronaise), et en évitant certains décalages inhérents à la nature du lieu. Une bien belle représentation, qui montre au lendemain d’une Aïda qui a relativement déconcerté le public, que les bonnes vieilles recettes restent souvent les meilleures.
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