Tristan et Yseult, c’est une affaire de coup de foudre, et donc de chimie : un seul être vous manque et tout est dépeuplé. C’est dire que si l’un des deux protagonistes n’évoque rien en vous, c’est loupé. C’est le cas avec Bettine Kampp qui, non contente de jouer une insupportable pimbêche hystérique, n’arrive à entrer vocalement dans le rôle d’Isolde qu’à la fin du premier acte, ce qui ne laisse augurer rien de bon pour les actes suivants : absence de puissance, notes approximatives, on a du mal à trouver à cette Isolde le moindre attrait. D’autant que, plus elle se trouve en difficulté, plus elle affiche un insupportable sourire niais. Mais quand, filtre aidant, elle se fige enfin face à Tristan, on a droit à un beau moment qu’elle renouvellera seulement au 3e acte.
Gianluca Zampieri , remplaçant au pied levé Michael Baba souffrant, campe un Tristan aussi méditerranéen que son Isolde est germanique, mais surprend par sa maîtrise du rôle. Aussi calme que sa partenaire est agitée, il semble prendre sans arrêt la mesure de la situation. La voix est forte et assurée, mais en même temps d’une grande musicalité. Le personnage qu’il joue est profondément humain, tentant de contenir les forces qui le dépassent. Sans jamais s’économiser, il réussit au troisième acte à entraîner son Isolde d’un soir vers des cimes pas vraiment élevées, mais quand même appréciables.
À leurs côtés, la Brangäne d’Hermine Haselböck, dans une robe à crinoline faisant beaucoup plus princesse que celle d’Isolde, mêle une voix un peu acide à une faiblesse de médium qui lui seraient fatales si elle n’était profondément le personnage, confidente en même temps que figure maternelle. Le Kurwenal de Michael Kupfer est aussi remarquable que ses précédents Wolfram et Klingsor. On a hâte de retrouver ce beau chanteur wagnérien dans le rôle du Comte des Noces, en décembre prochain lors de la toute nouvelle saison d’hiver du Festival d’Erl. À part une note de départ hasardeuse, le roi Marke de Franz Hawlata est convaincant et d’une profonde humanité. Les autres protagonistes sont tous excellents.
Le petit chœur d’hommes, confiné à fond de cale pendant tout le spectacle alors qu’il aurait pu figurer les hommes d’arme du roi Marke, bien seul à son arrivée au premier acte, sonne remarquablement bien. La mise en scène de Gustav Kuhn est plus faite d’intentions que d’une véritable création théâtrale, tandis que sa direction d’orchestre est précise et solide, même si l’on regrette, au début comme à l’extrême fin, un manque de poésie et de mystère sonore : ainsi, l’histoire semble plus se résumer à un fait divers du Monde Illustré qu’à un drame existentiel universel.
Version recommandée :
Wagner: Tristan und Isolde | Richard Wagner par Orchestre du festival de Bayreuth