Il est de ces récitals d’une perfection sans faille, qui vous tiennent en haleine jusqu’à la dernière note et vous hantent longtemps après les avoir entendus. Celui que Thomas Hampson a proposé ce soir au Théâtre des Champs-Élysées est de ceux-là.
Le programme, remarquablement conçu, est dédié à trois compositeurs familiers du répertoire du baryton américain. En premier lieu, Schubert dont Thomas Hampson avait gravé, notamment, un mémorable Winterreise en 1997 qu’il avait chanté dans la foulée au Châtelet.
Ce soir, son choix s’est porté sur six extraits du Schwanengesang, ceux composés sur des textes de Heinrich Heine. « Der Atlas » qui ouvre le concert donne aussitôt la tonalité d’ensemble de la soirée, Hampson, secondé par son pianiste, en livre une interprétation musclée, tout à la fois virile et désespérée. Les autres Lieder sont à l’avenant et le cycle s’achève avec un « Der Doppelgänger » proprement hallucinant.
La soirée se poursuit avec Samuel Barber. On sait les affinités qui lient Thomas Hampson aux musiciens de son pays qu’il s’est plu à faire connaître tant au disque qu’à la scène. De Barber, il propose un panorama de sept songs, échelonnées sur toute la carrière du musicien, parmi lesquelles on relèvera « A green lowland of pianos » extrait d’un recueil composé en 1975, à l’intention de Dietrich Fischer- Dieskau dont Thomas Hampson propose une vision personnelle, d’une grande intensité dramatique, dépourvue de toute afféterie.
Trois mélodies de jeunesse (1936) sur des textes de James Joyce concluent la première partie du concert.
La seconde partie est entièrement consacrée à Gustav Mahler dont on célèbre cette année le centenaire de la mort. Thomas Hampson ne pouvait manquer de rendre hommage à ce compositeur à qui il a consacré une part importante de sa carrière depuis près d’un quart de siècle et dont il est considéré comme l’un des meilleurs interprètes actuels. Il avait déjà gravé la version avec piano des Kindertotenlieder, également avec Wolfram Rieger, en 1997. Il est intéressant de constater que, comparée à cet enregistrement, la voix est demeurée intacte, mieux, elle a gagné en profondeur et en intensité dramatique sans perdre les qualités qui la rendent unique : une palette de couleurs infinie, une dynamique parfaitement contrôlée du piano le plus ténu au forte le plus impressionnant avec une maîtrise souveraine de la voix mixte qui fait merveille notamment dans des phrases comme « Wir möchten nah dir bleiben gerne » dans le deuxième Lied.
Par des chemins bien différents, l’interprétation que propose Thomas Hampson de ce cycle se hisse sur des sommets comparables à ceux où l’avait porté jadis Kathleen Ferrier.
Plus qu’un accompagnateur, Wolfram Rieger se révèle un véritable partenaire dont l’osmose avec le chanteur est tout à fait remarquable.
Trois bis concluront la soirée, « Erinnerung », une mélodie de jeunesse et deux extraits des Ruckert-Lieder dont le climat plus apaisé met un point final cohérent à ce concert exceptionnel.