Festival vocal
Rien dans cette production, hormis les costumes d’époque, ne suggère l’atmosphère brillante de la cour d’un roi d’Écosse. Pendant tout l’opéra nous sommes plutôt sur le territoire des sorcières près d’un muret de pierres percé d’une quelconque ouverture figurant l’entrée de leur antre. Cela peut se justifier par le fait que toute l’intrigue dépend de leurs prédictions. Lady Macbeth y entonnera donc le brindisi et, comme les autres protagonistes, y chantera ses airs ; ce sera également le lieu de tous les complots, de la bataille finale et de la mort du roi déchu. De hauts panneaux descendus des cintres et y remontant ainsi que des accessoires judicieusement déplacés signalent les changements de scènes tandis que des motifs imprécis projetés sur écran évoquent les différentes ambiances et les états d’âme changeants. Tout cela est efficace, mais ne soulève pas l’enthousiasme comme d’ailleurs une mise en scène bien traditionnelle qui impose une gesticulation risible aux sorcières et qui fige les personnages dans des positions stéréotypées. On ressent peu la passion qui dévore les époux maudits non plus que l’horreur du drame que vivent tous les personnages. Les émotions ne viennent pas de là, mais plutôt d’une prestation musicale de haut niveau.
Vocalement le couple Macbeth l’emporte haut la main, lui surtout. Greer Grimsley offre une prestation d’une remarquable homogénéité : somptuosité du timbre, justesse et aisance sur toute l’étendue de la tessiture. On tombe facilement sous le charme de cette voix qui exprime intensément l’angoisse de l’usurpateur et quand arrive le temps de la résignation dans « Pietà, rispetto, amore », son legato est tout bonnement fascinant. À juste titre, Greer Grimsley recevra les applaudissements les plus nourris au salut final. Brenda Harris projette un soprano lyrique solide dans les assises graves et magnifique dans le medium, mais aux aigus un peu stridents. Malgré ce léger ennui, elle affiche dans « La luce langue » la pleine mesure de ses moyens et sa « somnambulissime » scène du quatrième acte nous galvanise littéralement.
La riche basse aux sombres couleurs d’Andrey Funk fait forte impression et imprime au personnage de Banquo une profonde dignité. En Macduff le ténor québécois Luc Robert étonne par la qualité de l’émission. Par rapport à des prestations antérieures, il a beaucoup progressé; la projection est plus libre, les harmoniques plus scintillantes et le timbre plus rond. Murissement de la voix sans doute, mais également soin apporté à une ligne de chant qui devient particulièrement émouvante dans «O la paterna mano».
Les autres chanteurs tiennent fièrement leur partie. En ce qui concerne le chœur, on pourra tout au plus lui reprocher ici et là quelques légères imprécisions. Mais on doit noter l’attention apportée à sa composition : des voix splendides et une magnifique articulation.
Sous la direction de Tyrone Paterson, l’Orchestre du Centre National des Arts déploie une forme remarquable. Le chef canadien parvient à atténuer les disparités stylistiques d’une partition que Verdi avait révisée près de vingt ans après la création de l’œuvre en 1847 sans toutefois qu’elle y perde au niveau des couleurs. Le soin qu’il apporte à souligner la vigueur et les tensions qu’elle recèle et un plateau vocalement remarquable constituent les points forts de cette représentation.