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VERDI, Falstaff — Monte-Carlo

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Spectacle
26 mars 2010
Un Falstaff-Chantecler

Note ForumOpera.com

3

Infos sur l’œuvre

Opéra en trois actes sur un livret d’Arrigo Boito d’après Les joyeuses Commères de Windsor et Henry VI de William Shakespeare
Créé au Théâtre de la Scala, Milan, le 9 février 1893

Détails

Mise en scène, Jean-Louis Grinda
Décor, Rudy Sabounghi
Costumes, Jorge Jara
Lumières, Laurent Castaingt
Bryn Terfel, Falstaff
Ford, Fabio Capitanucci
Fenton, Florian Laconi
Dott. Cajus, Enrico Facini
Bardolfo, Rodolphe Briand
Pistola, Wojtek Smilek
Alice Ford, Aga Mikolaj
Nannetta, Valerie Condoluci
Quickly, Mariana Pentcheva
Meg Page, Annunziata Vestri
Orchestre philharmonique de Monte Carlo
Chœur de l’Opéra de Monte Carlo
Direction musicale, Gianluigi Gelmetti
Monte Carlo, Opéra, le 26 mars 2010, 20 heures

Parce qu’en temps de crise le rire est le meilleur des remèdes, Jean-Louis Grinda a décidé de transférer la scène de son Falstaff dans un univers voisin de celui du Chantecler d’Edmond Rostand. Le rideau s’ouvre sur un décor très inventif et efficace de Rudy Rabunghi – bien éclairé par Laurent Castaingt – : imaginez une vitrine de libraire qu’une fée aurait démesurément agrandie, dont le thème serait le Falstaff de Verdi ; on y voit la partition du maître et les œuvres complètes de William Shakespeare et, plus particulièrement, Les joyeuses Commères de Windsor et Henri VI, sources du livret, ainsi que divers ouvrages imaginaires. Des personnages pas plus hauts que le tiers du plus grand des livres exposés évoluent parmi les augustes bouquins qui, régulièrement poussés par un vent de folie, se déplacent spontanément dans toutes les directions pour former une nouvelle configuration. Les livres s’ouvrent ou s’entrouvrent, découvrant parfois Falstaff ou d’autres personnages qui s’y dissimulent. Si la première image déçoit par sa froideur, les suivantes sont belles et ménagent de nombreuses surprises, en particulier au troisième acte où le décor se réduit à un seul livre magique dont l’image de couverture, qui représente le chêne hanté, s’anime et expulse le chêne qui devient réel. Nous restons sous le charme, et cela d’autant plus que les costumes de Jorge Jara, véritable œuvre d’art, sont d’une facture admirable. D’une rare créativité, ils réussissent à caractériser, à travers l’allégorie, chacun des personnages.

 

En effet, le petit peuple qui vit entre les grands livres est constitué d’animaux familiers : une basse-cour au complet, avec Falstaff, le coq alpha, son cheptel de poules (l’aubergiste, Miss Quickly, Alice Ford, Meg Page, Nannetta et des femmes choristes), de poussins (le page et deux enfants figurants) et deux autres coqs rivaux toujours à l’affût (Ford et Fenton). A la basse-cour s’ajoutent deux chats (Pistola et Bardolfo), des moutons et des agneaux (figurants), un bouc (le docteur Caius) remarquable par ses cornes et ses quatre sabots, deux à chaque pied et deux à l’extrémité de chacune de ses cannes et, à l’acte III, de nombreux insectes géants (chœur).

 

Il est alors regrettable que la mise en scène de Jean-Louis Grinda manque de rigueur. L’imitation de l’attitude et de la démarche des animaux n’étant pas érigée en système, les humains reprennent vite le dessus. Tant mieux en un sens, mais le propos de la fable y perd en cohérence. Les déplacements restent approximatifs, et plus il y a de monde sur scène, plus la confusion grandit. Ainsi, l’acte III, réussite visuelle, est en partie gâché par l’incohérence des mouvements des choristes, laissés à leur propre inspiration. Loin d’apporter un nouvel éclairage à l’œuvre, la métaphore d’un Falstaff dans la basse-cour est donc réductrice. Ce n’est pas pour Chantecler d’Edmond Rostand que Verdi a composé la musique de Falstaff, et même si nous nous amusons souvent franchement, nous sentons bien que nous perdons la dimension proprement shakespearienne de l’opéra.

 

Si le Chœur de Monte Carlo se montre nettement insuffisant, l’Orchestre Philharmonique, lui, répond à notre attente : virtuosité, souplesse, précision des attaques, homogénéité des cordes, large palette de sonorités chez les vents. Cependant Gianluigi Gelmetti n’en tire pas tout le parti possible, sa direction manque d’allant, de pulsion, de légèreté, elle ne met pas suffisamment en valeur la divine inspiration de Verdi dans cette œuvre qui clôt magnifiquement sa longue carrière.

 

Heureusement, il y a les chanteurs pour nous restituer l’âme de l’œuvre. Chez les femmes, l’Alice de Aga Mikolaj domine la distribution. Son chaleureux soprano lyrique se déploie en volutes légères et voluptueuses. La Meg d’Annunziata Vestri apporte son contrepoint cuivré à la clarté d’Alice et son personnage est très réussi. Valerie Condoluci est moins convaincante en Nannette, le timbre n’a pas la fraîcheur attendue et le personnage reste superficiel. Quant à Marianna Pentcheva, elle campe une Quickly efficace et drôle mais truque tellement son chant que celui-ci en perd toute qualité.

 

Face à Bryn Terfel, Fabio Capitanucci tient le choc dans Ford. Les couleurs de son timbre de baryton-basse rappellent celles de son illustre partenaire et sa technique est irréprochable. Le volume mis à part, l’analogie entre leurs deux voix est frappante. Excellent également le Fenton de Florian Laconi qui part gagnant avec une indéniable aisance scènique. Son timbre riche, jeune et éclatant convient très bien à ce personnage rayonnant. Belle prestation de Wojtek Smilek dans Pistola et de Rodolphe Briand dans Bardolfo, aux voix percutantes et aux couleurs complémentaires. Enfin Enrico Facini, ténor lyrique expérimenté au timbre clair,met en valeur le rôle deCaius, trop souvent confié à des ténors de caractère.

 

Le clou du spectacle reste sans aucun doute l’inoubliable performance de Bryn Terfel dans le rôle titre. A l’opposé du personnage fantoche d’un Ruggiero Raimondi en fin de carrière que nous avons vu récemment à Liège1, le Sir John Falstaff de Bryn Terfel brûle les planches. Son Falstaff n’oublie jamais sa condition, il reste gentilhomme dans toutes les situations. Il accepte les épreuves avec humour et philosophie, son éclatante bonne humeur et ses colères rabelaisiennes font notre bonheur et les impairs que lui font commettre sa méconnaissance de l’univers féminin, loin de nous le rendre odieux, nous attendrissent. Mis à part les moments, irrésistibles il est vrai, où, en vrai coq, il se pavane auprès d’Alice, Meg ou Quickly, il nous fait oublier la basse-cour environnante. On demeure saisi par la qualité exceptionnelle de cette voix souple et puissante au soutien exemplaire. Bien dans le masque, admirablement projetée, elle se promène avec aisance dans l’ensemble du registre. Elle est capable des pianissimi les plus subtils comme des fortissimi les plus grandioses. Les couleurs de son timbre magnifique se déclinent du plus clair au plus sombre (seule, la voix de tête, utilisée pour exprimer des intentions particulières, est détimbrée), évoquant alternativement la clarinette, le saxophone, le cor anglais et le basson. Un pur régal.

 

 

 

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Créé au Théâtre de la Scala, Milan, le 9 février 1893

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Mise en scène, Jean-Louis Grinda
Décor, Rudy Sabounghi
Costumes, Jorge Jara
Lumières, Laurent Castaingt
Bryn Terfel, Falstaff
Ford, Fabio Capitanucci
Fenton, Florian Laconi
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Alice Ford, Aga Mikolaj
Nannetta, Valerie Condoluci
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