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ROSSINI, Tancredi — Boston

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Spectacle
27 octobre 2009
Une Amenaide enceinte ? Quelle aubaine !

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2

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Détails

Tancredi (Rossini, Rose – Boston)

Gioachino Rossini (1792-1868)

TANCREDI
Melodramma eroico en deux actes

Livret de Gaetano Rossi d’après la tragédie de Voltaire

Création Venise, La Fenice, 6 février 1813 

 

 

 

 

Mise en scène : Kristine McIntyre

Décors et costumes : Carol Bailey

Lumières : Christopher Ostrom

Argirio : Yeghishe Manucharyan

Tancredi : Ewa Podleś

Amenaide : Amanda Forsythe

Isaura : Victoria Avetisyan

Orbazzano : DongWon Kim

Roggiero : Glorivy Arroyo

Direction musicale : Gil Rose

Opera Boston, Cutler Majestic Theatre

25 et 27 octobre 2009

Une Amenaide enceinte ? Quelle aubaine !

Selon les notes du programme de cette production de Boston, Kristine McIntyre est « particulièrement reconnue pour sa capacité à traduire les concepts et les rendre lisibles aux yeux du public d’aujourd’hui « . Loin de dissimuler que la jeune soprano américaine, Amanda Forsyte (Amenaide) est enceinte de six mois, la metteuse-en-scène saute sur l’occasion pour « clarifier » le livret.

Grâce à cette opportune grossesse tout devient limpide. Comme la fameuse lettre ne le dit pas, Amenaide a fauté avec l’ennemi. Dans ces conditions, un noble père ne peut que renier la coupable et la faire jeter en prison. Et quand, à son retour au pays, après une séparation d’une durée indéterminée, Tancredi retrouve sa bien-aimée comment ne serait-il pas torturé par le doute ? Ce ventre complaisamment exhibé n’est -il pas la preuve de son infidélité ? Désespéré, il n’a plus qu’à se précipiter au devant de la mort sous prétexte de sauver sa patrie… Aberrant ? Pas du tout. Il suffit de situer l’œuvre dans les années 1930. À cette époque, la pilule n’existait pas, les filles-mères étaient objets de honte et il était vraisemblable qu’un mafioso (Argirio) négocie la virginité de sa fille avec un dictateur militaire fasciste (Orbazzano). Dommage qu’avec cette « relecture » abracadabrante, on n’ait pas choisi plutôt la fin joyeuse de la version de Venise. La grossesse d’Amenaide aurait ainsi abouti à un heureux événement au lieu de laisser orphelin le petit « Tancredi junior » ! Hélas, ce que l’on gagne en logique contemporaine, on le perd en inspiration poétique. On a beau faire appel à un éclairagiste de talent, montrer de charmants enfants émerveillés par un combat de marionnettes siciliennes en armure, cette œuvre où le génie de Rossini surgit dans toute la fraîcheur de son ardeur juvénile est ridiculisée. Un décor unique juxtaposant un large mur en briques flanqué d’une tour évoquant une prison, un maigre mobilier XIXe, des accessoires décalés et distrayants, des costumes destinés à servir le « concept » de la mise en scène, mais inadéquats par rapport à l’action et à la caractérisation des personnages ne parviennent qu’ à détourner l’attention et accroître le malaise.

Précipitée, souvent instable, et tout aussi prosaïque, la direction de Gil Rose peine à compenser. Le discours instrumental manque de relief, de couleur, de clarté, de subtilité. De surcroît, avec sa fosse d’orchestre entièrement couverte et très profonde, l’acoustique de ce ravissant théâtre au cadre féerique laisse à désirer. Installé dans une avant-scène au parterre, le continuo est dominant pour les uns, inaudible pour les autres.

Fort heureusement, à commencer par le chœur d’hommes efficace et homogène, les chanteurs, eux, méritent dans l’ensemble beaucoup d’éloges. Les rôles secondaires sont correctement sinon brillamment chantés. La jeune basse coréenne DongWon Kim a d’indéniables qualités d’acteur. Il réussit à donner du poids au rôle d’Orbazzano toujours assez ingrat. Si la diction et le phrasé ont encore besoin de s’améliorer, le timbre est chaleureux et la voix bien projetée. Dans son costume croisé de mafioso aux larges épaules et à la fine moustache, le ténor d’origine arménienne Yeghishe Manucharyan répond consciencieusement aux grandes exigences du rôle d’Argirio malgré une émission assez nasale et des aigus puissants mais sans éclat. Plus que dans l’ardeur guerrière, c’est dans la grande aria lyrique avec chœur et cabalette au début de l’acte II, qu’il est le meilleur. Vraisemblablement à cause de son état, la soprano Amanda Forsythe nous a semblé scéniquement plus placide que d’habitude. Assez petite mais toujours aussi veloutée, la voix, elle, a encore embelli et s’est enrichie. La vélocité nécessaire aux coloratures du rôle d’Amenaide non seulement ne lui fait pas défaut, mais force l’admiration. Son aria « No, che il morir » est des plus touchantes. Dans les duos avec Tancredi, son chant et celui d’ Ewa Podleś s’harmonisent agréablement. Il faut ajouter que tout au long de l’opéra, en dépit d’une mise en scène pour le moins scabreuse, qui lui fait ôter sa robe pour apparaître aux yeux de tous en combinaison moulante, la jeune cantatrice américaine se montre d’une élégance et d’une dignité exemplaires. Dans son rôle signature, planant au-dessus de ces incongruités qui ne sauraient la détourner de l’essentiel, Ewa Podleś demeure unique. Quelles que soient les facteurs extérieurs susceptibles de la mettre en difficulté, sa fabuleuse technique vocale surmonte les obstacles. Son timbre si particulier, à la fois métallique et fruité, ses notes graves émises avec naturel, sa musicalité innée la rendent captivante. Parce qu’ elle le chante avec toute sa science — depuis « Oh patria ! Dolce e ingrata patria !  » jusqu’à « Giurami…oh sposa… Addio  » qui précède son dernier soupir — et qu’elle le fait vivre et mourir en grande comédienne, son Tancredi ensorcelle. La standing ovation du public de Boston s’ajoute à son palmarès.

Brigitte Cormier

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