Rien qu’un baiser, Baratin, Irma la Douce, Simone est comme ça ou encore Lulu – non d’Alban Berg mais de Philippe Parès et Georges Van Parys. Autant d’opérettes et de comédies musicales oubliées qui témoignent d’années que l’on a dites folles. A raison.
Sous l’influence américaine, le music-hall supplante le caf’ conc’ ; l’opérette se dévergonde ; les rythmes se métissent. C’est dans ce Paris pétillant de l’entre-deux guerres que nous propulse Frivol’s Club, le nouvel album des Frivolités Parisiennes.
La compagnie, fondée en 2012 par Benjamin El Arbi et Mathieu Franot, continue de cultiver ses singularités, entre musique savante et jazz, entre salle de concert et cabaret, entre Richard Wagner et Moises Simons – compositeur, pianiste et chef d’orchestre cubain, né à La Havane en 1889, mort à Madrid en 1945, auquel on doit le folâtre « Adieu Paris ! », extrait de l’opérette Toi, c’est moi (1934).
Wagner ? Absolument. Au détour d’un couplet de Je suis swing, un titre chanté par Johnny Hess où pour la première fois fut employé le mot « Zazou », on respire l’accord de Tristan comme un parfum de tubéreuse dans une cave enfumée de Saint-Germain-des-Prés.
Ce n’est pas la seule surprise que réserve un programme conçu comme un concert, qui brasse allégrement dans le désordre tous les styles pour se conclure sur une version biguine de La Barcarolle des Contes d’Hoffmann. Avec son J’ai deux amours écrit en 1930 à l’intention de Joséphine Baker pour la revue Paris qui remue, Vincent Scotto coudoie Loulou Gasté, Henri Debs et Marguerite Monnot dont la comédie musicale Irma la douce, créée en 1956 à Paris, connut un succès tel qu’elle traversa l’Atlantique pour être adaptée au cinéma par Billy Wilder.
La même année – 1956 –, Louis Prima faisait un tabac en réunissant I Ain’t Got Nobody, une chanson de Spencer Williams, à Just a gigolo, à l’origine un tango viennois daté de 1929, repris la même année en français par Damia, la « Tragédienne de la chanson », et réorchestré, comme tous les titres de l’album, au format de l’orchestre des Frivolités Parisiennes – quinze instrumentistes au total. Quel melting-pot !
Une joyeuse confusion règne aussi au sein des chanteurs, certains d’essence lyrique – Sandrine Buendia et Philippe Brocard –, d’autres non – Léovanie Raud et Vincent Heden –, mais tous dans le ton et l’esprit de textes qui aiment souvent jouer sur les mots – n’est-ce pas Monsieur le Duc ? De la bonne humeur, de l’électricité, une énergie positive qui circule d’un numéro à l’autre et surtout une manière d’appréhender chacun de ces titres avec un naturel réjouissant, sans en faire des tonnes – ce répertoire ne le supporterait pas. Loin des guerres de chapelles, des ayatollah de l’atonalisme et de la condescendance affichée par certains dès qu’il s’agit de musique légère, il suffit comme le chantait Suzy Delair dans Atoll K de se laisser faire, « vous n’ le r’gretterez pas ! »