Même si on a peine à dénombrer les enregistrements d’airs des opéras de Haendel, chaque nouvel album apporte son lot de retrouvailles comme de découvertes. Sandrine Piau nous avait déjà donné nombre d’intégrales (Riccardo primo, Scipione, Rodrigo, Acis, Galatea e Polifemo…) et deux CD d’arias de Haendel (accompagnée par Stefano Montanari et Christophe Rousset). Elle nous offre maintenant un nouveau choix d’arias empruntés à six ouvrages du « caro sassone », avec son « ami et partenaire de toujours », Jérôme Corréas à la tête de ses Paladins.
Elle a choisi d’illustrer « des femmes puissantes, souvent meurtries (…) perdantes, magnifiques ». Ainsi commence-t-elle par l’air d’Adelaide, sur lequel s’achève le premier acte de Lotario, Scherza in mar la navicella. La lumière, la légèreté et la souplesse virtuose sont bien là, avec un timbre dont la jeunesse surprend toujours. De Rinaldo, le duo où Goffredo et Rinaldo affrontent les sirènes, puis l’incontournable Lascia ch’io pianga, sur lequel s’achève l’enregistrement. Tout cela est fort beau. Sandrine Piau y excelle par la justesse de ton et la conduite de la ligne. La Cléopâtre qu’elle nous offre suscite quelques réserves. L’aria Da tempeste est assorti d’effets surprenants, qui relèvent de l’artifice. Par contre, le récitatif E pur cosi in un giorno, suivi de l’aria de déploration, puis de révolte, Piangero la sorte mia, est une pure merveille, le contraste accusé, l’aisance virtuose de la seconde partie emportent l’adhésion. Comment rester insensible à la pureté d’émission et la longueur de voix de Lucrezia, où elle ne connaît qu’une discrète doublure de quelques instruments ? Alcina, trahie, désespérée, trouve les accents les plus touchants (Ah ! mio cor ! schernito sei !) dans la grande page qui nous est offerte. Mais, lorsqu’elle endosse les habits de Morgana pour le bien connu Tornami a vagheggiar, si la conduite et les aigus sont superbes, la voix orne avec une virtuosité démonstrative, dont on ne peut qu’admirer les figures acrobatiques, mais qui sent l’artifice. Amadigi di Gaula nous vaut une Melissa ardente, soutenue par des vents virtuoses. Les qualités dramatiques et musicales de Sandrine Piau y font merveille, la dureté de la voix relevant certainement du choix de l’interprète.
Trois mouvements de concerti grossi et une ouverture ponctuent le récital avec bonheur. L’orchestre, ductile, clair, remarquablement conduit par Jérôme Corréas, est un partenaire exemplaire, qui offre un écrin aussi admirable que la voix de la soliste. On retiendra particulièrement l’extrait d’Amadigi di Gaula (Ouverture et air Destero dall’empia Dita), pour la richesse de ses timbres et le brio des interprètes.
Le riche livret, trilingue, comporte les textes chantés et leur traduction