C’est le directeur de la NBC à New York, Peter Adler, qui sollicite le compositeur Giancarlo Menotti pour que ce dernier réalise un opéra pour Noël, qui serait le premier créé pour et à la télévision américaine, inaugurant une série d’événements sponsorisés pendant deux décennies par Hallmark, entreprise fameuse de cartes de vœux et d’articles de fête.
Menotti pense tout naturellement à une œuvre autour de la nuit de Noël et des Rois mages, d’autant qu’il est inspiré par un tableau de Jérôme Bosch, ou en tout cas attribué à ce dernier, L’Adoration des Rois mages, exposé au Metropolitan Museum of Art.
Menotti réalise comme toujours lui-même le livret et raconte l’histoire d’un berger infirme, Amahl, qui a aperçu la grande étoile annonciatrice de la naissance de l’Enfant Jésus. Il le dit à sa mère, qui n’en croit rien et le prie d’aller se coucher. Mais voilà que les trois Rois, qui passent par là, s’arrêtent dans la maison d’Amahl : ce sont eux, les « visiteurs de la nuit » évoqués par le titre définitif que Menotti donne à son opéra : Amahl et les visiteurs de la nuit. Ils sont reçus chaleureusement par les bergers qui leur offrent le couvert (on voit même un court ballet des bergers), mais la mère d’Amahl ne parvient pas à résister à la tentation de leur voler quelques unes de leurs richesses pour soulager l’affreuse misère dans laquelle tous vivent. Les Rois découvrent le forfait et font la morale à la pauvre mère avant de lui laisser l’or pris, prédisant que l’Enfant qui vient de naître n’aura nul besoin d’or et de richesses pour construire son royaume. Amahl, lui, fait don de ses maigres béquilles pour l’Enfant. Le voici miraculeusement guéri de son infirmité et il part à la suite des Rois jusqu’à la fameuse bergerie de Bethléem, en leur jouant de la flûte sur le chemin, pour remercier Jésus.
Menotti ne parvient pas à tenir les délais et c’est son compagnon, Samuel Barber, qui orchestre la partition pour qu’elle puisse être prête à temps. L’œuvre est finalement enregistrée au studio 8H de la NBC, au Centre Rockefeller et diffusée le soir de Noël aux 35 chaînes affiliées à la NBC à travers les Etats-Unis. En introduction, Menotti présente lui-même aux téléspectateurs sa propre œuvre et leur raconte sa propre enfance en Italie, la signification que Noël et les Rois mages avaient pour lui et comment l’œuvre attribuée à Jérôme Bosch l’avait inspiré pour Amahl. Il présente ensuite le « cast », le réalisateur, Kirk Browning et le chef d’orchestre, Thomas Schippers, avant que l’œuvre ne débute.
L’audience atteindra les 5 millions de foyers. Ce grand succès permet à l’œuvre, assez courte (un acte et moins d’une heure), d’être reprise régulièrement pour Noël dans les pays anglo-saxons et en couleurs pour la première fois à la télévision en 1953, puis très vite adaptée pour la scène. Elle peut d’ailleurs aussi bien être jouée par un orchestre qu’avec un simple accompagnement au piano, comme c’est le cas dans cet extrait de l’Atelier lyrique de l’opéra de Montréal en 2013.
Une bonne occasion de souhaiter à tous nos lecteurs de très belles Fêtes de Noël !