L’idée de rapprocher l’univers de l’opéra et la sphère juridique peut surprendre de prime abord. Défi largement relevé, pourtant, par ce magnifique opus qui se propose d’envisager tous les liens possibles et imaginables entre le droit et l’art lyrique.
La multiplicité des angles d’attaque, d’abord, force l’admiration : sont abordés la présence du droit et des lois dans divers opéras, de Norma (dont le prénom veut littéralement dire la norme !) à Carmen, mais aussi les enjeux juridiques des maisons d’opéras en tant qu’institution et service public, diverses querelles historiques comme la censure par exemple, jusqu’à la complexe question de la démocratisation de l’opéra et des dispositifs juridiques associés. Cette extraordinaire richesse des thématiques, époques et opéras permet de dresser un panorama extrêmement large d’enjeux qui révèle toute la pertinence de cet angle d’attaque qui initialement pouvait paraître niche !
Chaque chapitre est construit de la même manière et permet de croiser les approches : les interviews se mêlent aux articles de fond d’histoire, de droit ou d’analyse d’œuvres. Ainsi, il sera possible d’en apprendre plus sur les mésaventures juridiques entourant la création des Boréades de Rameau, le contentieux en urbanisme de la construction de l’Opéra Bastille, le rôle joué par le costume dans les professions juridiques ou encore découvrir La Constitution en vaudeville, œuvre chantée parue en 1792.
Aussi, la grande force de cet ouvrage réside dans l’immense diversité de ses auteurs, reflet du croisement des disciplines. Le professeur de droit, Mathieu Touzeil-Divina, « avec l’amicale complicité » de MM. Bernard Stirn et Christophe Rousset, a ainsi réuni un panel extrêmement large de personnalités, auteurs d’entrées ou interviewés, faisant se côtoyer des universitaires, des artistes, chanteurs, danseurs, chefs d’orchestre, metteurs en scène, des responsables de maisons d’opéra, des professionnels du droit (avocats, notaire, juge) et des personnalités politiques comme Roselyne Bachelot. Cette variété permet d’approfondir très efficacement toute la fécondité des interactions entre droit et opéra !
L’ouvrage en tant que tel, préfacé par Jack Lang, est particulièrement esthétique et sublimement mis en page, édité dans la collection Beaux Livres des éditions LexisNexis. Tout laisse penser qu’un sujet inépuisable a été entamé ici et on ne peut qu’espérer que d’autres tomes suivront !