En 1781, cela fait cinq ans que Giovanni Paisiello réside à Saint-Pétersbourg, où l’impératrice Catherine II l’a appelé pour être son maître de chapelle. Le renom du jeune compositeur, qui officiait surtout à Naples, avait atteint les rives de la Neva. Au départ, il compose surtout des opere serie et ne se lance qu’ensuite dans le genre bouffe, qui culminera avec son chef-d’œuvre, Le Barbier de Séville.
On sait que Rossini lui volera la vedette avec le même livret du Barbier. Mais Paisiello a fait peu ou prou de même lorsqu’en 1781, il décide lui-même de reprendre le texte d’un illustre confrère disparu plus de 45 ans auparavant, Pergolèse. Il fera de même deux ans plus tard avec Il Mondo della luna de Goldoni, déjà mis en musique par Haydn.
Paisiello utilise donc le livret de Gennaro Antonio Federico pour Pergolèse et garde le titre, la Serva padrona ou la Servante maîtresse. Il faut dire que le chef-d’œuvre de son glorieux aîné est resté très populaire dans toute l’Europe et qu’il est ainsi à peu près sûr de ne pas décevoir son impériale maîtresse, qui raffole du genre bouffe, mais devant qui on ne peut pas rire de n’importe quoi. Il avait bien essayé de demander à ses amis napolitains de lui envoyer un livret digne de Catherine II, mais sans succès.
Bien sûr, il apporte non seulement sa propre musique dans ce qu’il appelle un Intermezzo, très différente de celle de son devancier, mais il fait aussi gonfler son orchestre – notamment les bois – et ajoute un nouvel air, « Donne vaghe, i studi nostri » et deux duos. Il va piocher, pour les textes concernés, dans d’autres œuvres, par exemple Goldoni et Galuppi.
Ce « remake » de la Serva padrona remporte lui même un certain succès et est rapidement repris en Europe, en commençant par la Scala. Mais l’histoire, depuis, a donné la victoire à Pergolèse.