Le récent biopic de Petr Vaclav sur la vie et l’oeuvre de Josef Mysliveček, Il Boemo, a mis en lumière un compositeur aujourd’hui assez oublié mais qui était une star de son temps. À l’occasion des 250 ans de son opéra Romolo ed Ersilia, nous republions l’article que nous avions consacré à l’un de ses chefs d’oeuvre en 2021.
En 1765, Métastase signe son avant-dernier livret destiné à l’opéra, baptisé Romolo ed Ersilia, dont la partition est confiée à Hasse et créée à Innsbruck.
Quelques années plus tard, le compositeur bohémien Josef Mysliveček reprend le même livret pour écrire une nouvelle partition sur la base de celle de Hasse. Il vit alors en Italie, en particulier à Venise, où il s’est fait un nom au point qu’on le surnomme « le divin tchèque ». Il s’est fait remarquer jusqu’à la cour de Naples où son opéra Il Bellerofonte a triomphé en 1767. C’est donc assez naturellement que le prestigieux Teatro San Carlo s’adresse à lui pour reprendre ce Romolo ed Ersilia, à l’occasion de l’anniversaire de la reine Marie-Caroline, née un 13 août (1752). Mais voilà, bien avant Schengen et l’avènement des passeports biométriques, notre pauvre compositeur se voit interdit d’accéder au royaume de Naples, faute d’un passeport valide. La situation semble suffisamment préoccupante pour que le San Carlo songe à faire appel à trois compositeurs napolitains pour confier à chacun d’entre eux l’un des trois actes attendus. Mais finalement, Mysliveček finit par rejoindre Naples à la mi-juillet 1773. Il compose tambour battant son opéra qui est miraculeusement prêt le jour dit.
Il avait entrepris de réviser certains airs, d’en ajouter d’autres et d’en réorganiser certains. Mais il a dû sacrifier la longueur de certains airs et même l’orchestration, très allégée, pour rester dans les temps.
Le livret de Métastase pour cet opera seria trouve sa source dans l’épisode de l’enlèvement des Sabines, ordonné par Romulus (Romolo, donc) pour assurer la pérennité de la ville qu’il a fondée, quitte à prendre des femmes par la force. Lui-même prendrait bien Ersilia, fille de Curzio, roi des Sabins, pour épouse. Mais il recherche pour cela l’accord de ce dernier. Le chef des armées sabines, Acronte, voudrait plutôt convaincre son souverain de faire la guerre aux Romains pour venger l’affront insupportable que son royaume vient de subir.
Ersilia, quant à elle, hésite. Elle sent grandir un doux sentiment pour ce Romolo, mais elle veut aussi rester fidèle à son peuple et à son père, et souhaite qu’on l’éloigne au plus vite de ce Romain. On cherche donc à la marier à un patricien, Ostilio, qui ne l’aime pourtant pas. Quant à Romolo, on l’enjoint d’épouser Valeria, une Romaine à qui il avait promis le mariage.
Mais Acronte attaque les Romains. Romolo le tue en duel et ses troupes écrasent l’armée sabine. Le chef des Romains entre en triomphateur dans sa ville et ses fidèles empêchent la fuite de Curzio et d’Ersilia, que Romolo avait confiée à Ostilio. Pour obtenir la paix et prouver sa magnanimité, Romolo offre la liberté à Curzio et lui demande très officiellement la main de sa fille. Conquis par tant de bonté, Curzio accepte…. Quant à ce que pense finalement Ersilia, ce sera pour une autre fois…. Bref, tout finit par un mariage.
Parmi les nouveautés imaginées par Mysliveček pour son nouvel opéra, le quatuor du deuxième acte fait figure de réussite majeure, dont la virtuosité suscite d’ailleurs beaucoup d’enthousiasme et ne sera pas pour rien dans le grand succès de cette œuvre voici tout juste 248 ans, au point qu’on s’empressera de lui en commander une autre pour l’anniversaire suivant. Ce sera Artaxerxès, mais c’est là une autre histoire… On peut imaginer que cette fois, le compositeur prendra le temps de mettre ses papiers en ordre…
Voici ce fameux quatuor qui réunit Ersilia, Romulus, Acronte et Curzio. Ersilia est créée par Anna de Amicis, qui avait déjà créé l’Ersilia de Hasse ; Romulus par le castrat Gaspare Pacchierotti ; Curzio par le ténor Giuseppe Tibaldi et Acronte par le castrat Piero Santi. Dans cet extrait tiré d’un concert à Karlsruhe, vous entendrez rien moins que quatre contre-ténors : Max Emanuel Cenčić, Franco Fagioli, Xavier Sabata et David DQ Lee. Le Collegium 1704 est dirigé par Vaclav Luks.